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Une tragédie à découvrir Bruxelles Bozar, Salle Henry Le Bœuf 03/12/2023 - et 1er (Wien), 22 (Paris) mars 2023 Jean-Baptiste Lully : Thésée Mathias Vidal (Thésée), Karine Deshayes (Médée), Deborah Cachet (Aeglé), Marie Lys (Cléone, Une bergère), Bénédicte Tauran (Minerve, La Grande Prêtresse de Minerve), Thaïs Raï‑Westphal (Dorine, Une bergère, Une divinité), Robert Getchell (Un berger, Une divinité), Fabien Hyon (Un combattant, Une divinité), Philippe Estèphe (Egée), Guilhem Worms (Arcas)
Chœur de chambre de Namur, Thibaut Lenaerts (chef de chœur), Les Talens Lyriques, Christophe Rousset (direction)
C. Rousset (© Eric Larrayadieu)
Dans le cadre du Klara Festival, qui se tient cette année du 10 au 26 mars, Les Talens Lyriques ont interprété Thésée (1675), une tragédie de Lully, sur un livret de Philippe Quinault, qui figure assez peu à l’affiche. Il faut espérer que cet admirable ensemble, fondé en 1991 par Christophe Rousset, ajoute cette pièce en un prologue et cinq actes à sa discographie, afin de mieux la faire connaître, ce qu’elle mérite.
Le titre de cet ouvrage, contemporain, à une année près, d’Atys, induit un peu en erreur. Si le compositeur consacre un certain nombre de pages de sa partition, et non des moindres, à Thésée, le personnage principal est bien Médée. La magicienne a droit à de nombreux moments intenses dans lesquels le texte et la musique fusionnent étroitement pour traduire remarquablement ses états d’âme. Les chœurs exercent aussi une fonction dramatique importante, tandis que l’orchestre se caractérise par un effectif plutôt conséquent, avec des percussions et des cuivres qui ne manquent pas de se faire remarquer.
Ce concert permet donc de découvrir, dans d’excellentes conditions, cette œuvre prenante et inspirée, à l’exception du Prologue, une allégorie consacrée, conformément à la tradition, au Roi‑Soleil, qu’il aurait été intéressant d’entendre également, quitte à allonger la durée de ce concert. La contribution d’une formation de premier plan comme celle‑ci constitue a priori un gage de sérieux et d’authenticité, et, effectivement, les musiciens, qui se montrent tous capables tant de finesse que de puissance, jouent avec précision et cohésion, dans un rythme assez soutenu. Christophe Rousset, qui dirige du clavecin, obtient également de splendides sonorités. Sa direction rend justice au souffle et à l’élégance de cette musique qui se déploie dans toute sa diversité.
Homogène et compétente, la distribution offre de quoi combler les amateurs de beau chant, la maîtrise des airs et la précision des ensembles témoignant d’un travail manifestement approfondi. Fondé en 1987, quelques années avant Les Talens Lyriques, le Chœur de chambre de Namur confirme sa parfaite maitrise de ce répertoire dans des interventions intenses et vigoureuses, voire mordantes. Le chant de Mathias Vidal, l’interprète de Thésée, arbore un timbre remarquable et se caractérise par sa justesse expressive. Karine Deshayes cerne au plus près la personnalité de Médée, dans une prestation habitée et raffinée, dans laquelle se distinguent l’excellence du phrasé et la pure beauté du timbre. Il serait intéressant de savoir ce que l’estimable mezzo‑soprano accomplirait dans une mise en scène. L’Aeglé de Deborah Cachet, un rôle, lui aussi, assez important, séduit par sa finesse et sa sensibilité, et la soprano belge développe un chant à la tenue admirable. Bénédicte Tauran et Marie Lys partagent d’identiques qualités de timbre et d’expression, tandis que Thaïs Raï‑Westphal ravit sans réserve par sa présence irradiante et sa voix délicate.
Malgré les mérites de Philippe Estèphe, l’incarnation d’une grande droiture de la somptueuse basse Guilhem Worms en Arcas, dont le timbre capte immédiatement l’attention, marque davantage les esprits. Robert Getchell et Fabien Hyon disposent de trop peu de temps dans leurs petits rôles pour réellement marquer de leur empreinte ce concert chaleureusement applaudi. La prononciation de tous les chanteurs paraît, quant à elle, tout à fait satisfaisante, le public pouvant suivre le texte, en français et en néerlandais, grâce à un confortable sous‑titrage. Il manque à cette version de concert de haut vol une dimension théâtrale un peu plus soutenue, lacune, sans gravité, toutefois, due à une disposition assez traditionnelle des solistes qui se contentent de se déplacer devant le chef lors de leurs interventions.
Le site du Klara Festival
Sébastien Foucart
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