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Pour l’oreille

Saint-Etienne
Grand Théâtre Massenet
03/08/2023 -  et 10, 12 mars 2023
André Grétry : Andromaque
Ambroisine Bré (Andromaque), Marion Lebègue (Hermione), Sébastien Guèze (Pyrrhus), Yoann Dubruque (Oreste)
Chœur lyrique Saint‑Etienne Loire, Laurent Touche (chef de chœur), Orchestre symphonique Saint‑Etienne Loire, Giulio Prandi (direction musicale)
Matthieu Cruciani (mise en scène), Nicolas Marie (décors, lumières), Marie La Rocca (costumes)


A. Bré, Y. Dubruque (© Cyrille Cauvet)


Souvent réduit au style élégant des opéras-comiques qui lui assurèrent le succès, André Grétry (1741‑1813) eut à cœur de prouver qu’il était capable d’embrasser la veine sérieuse, cherchant l’inspiration à mi‑chemin entre les ornementations virtuoses italiennes et la déclamation dramatique d’un Gluck. Toutefois, son unique tragédie lyrique Andromaque (1780) ne remporta pas le succès escompté, Grétry semblant plus à l’aise dans l’expression en demi‑caractère des ouvrages postérieurs tels que La Caravane du Caire (voir en 2022 à Tours) ou Richard Cœur de Lion (voir en 2019 à Versailles). En réalité, c’est surtout le livret d’Andromaque, privé d’action dramatique, qui explique pourquoi cet ouvrage a été laissé durablement de côté (et ce malgré un disque enregistré par Hervé Niquet ici en 2010, déjà avec Sébastien Guèze) : l’inspiration musicale, éloquente et variée, reste un régal tout du long, donnant une grande place au chœur, seul ou en soutien des ensembles avec solistes. Le Chœur lyrique Saint-Etienne Loire, malgré quelques inévitables décalages dans les parties enlevées, assure l’essentiel par son engagement et son enthousiasme.


Très présent en première partie d’ouvrage, Sébastien Guèze (Pyrrhus) est d’emblée à la peine du fait d’une tessiture aiguë qui le met constamment à la limite de ses moyens : l’émission étroite l’empêche de faire valoir son beau timbre, plus souverain dans les parties déclamées, où son style raffiné fait mouche. C’est toujours là où le ténor français excelle, malgré les soucis techniques évoqués plus haut. A ses côtés, Yoann Dubruque (Oreste) donne une leçon de classe vocale par sa ligne souveraine, bien aidé par sa voix bien posée et idéale de souplesse. On aime plus encore les saisissantes Ambroisine Bré (Andromaque) et Marion Lebègue (Hermione), au tempérament de feu, qui rivalisent de fureur dans leurs rôles respectifs, à force d’émission charnue et parfaitement articulée.


La mise en scène de Matthieu Cruciani déçoit quant à elle par son peu d’imagination, jouant la carte d’un minimalisme énigmatique : peu à peu, la scène vide de tout élément de décor est envahie par les eaux, tandis qu’une pierre en hauteur menace tout autant les protagonistes. Au‑delà des bruits parasites, l’actuel directeur de la Comédie de Colmar peine à animer le spectacle sur la durée, faute d’une direction d’acteur plus serrée (les chanteurs étant souvent placé au‑devant de la scène). On regrette aussi le choix d’une scénographie ouverte, qui prive les chanteurs d’une caisse de résonance intimiste : un confort appréciable dans le domaine de la tragédie lyrique, où le style déclamatoire, à mi‑chemin entre opéra et théâtre, doit rester au plus près d’une émission naturelle, sans excès de poitrine.


Fort heureusement, un maître de ce répertoire est dans la fosse en la personne de Giulio Prandi (voir notamment son intérêt pour les précurseurs italiens Davide Perez, Niccolò Jommelli ou Baldassare Galuppi) : pour sa première invitation à diriger un ouvrage lyrique en France, son art de doser les équilibres respecte à la fois l’esprit et la lettre des intentions de Grétry (qui demande notamment dans ses Mémoires de jouer lentement). Même si les sonorités des instruments modernes de l’Orchestre symphonique Saint‑Etienne Loire apparaissent trop doucereuses, Prandi se délecte de chaque nuance, toujours très bien étagée, sans jamais oublier le relief et le rebond rythmique en contraste.



Florent Coudeyrat

 

 

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