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Une belle entrée au répertoire

Liège
Opéra royal de Wallonie
02/26/2023 -  et 28 février, 2, 4, 7 mars 2023
Ambroise Thomas : Hamlet
Lionel Lhote (Hamlet), Jodie Devos (Ophélie), Béatrice Uria‑Monzon (Gertrude), Nicolas Testé (Claudius), Pierre Derhet (Laërte), Shadi Torbey (Le Spectre), Maxime Melnik (Marcellus, Un fossoyeur), Laurent Kubla (Horatio, Un fossoyeur), Patrick Delcour (Polonius)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Denis Segond (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Guillaume Tourniaire (direction)
Cyril Teste (mise en scène), Ramy Fischler (décors), Isabelle Deffin (costumes), Julien Boizard (lumières), Mehdi Toutain‑Lopez, Nicolas Dorémus (vidéo)


(© Valentin Bianchi/ORW Liège)


Au tour de l’Opéra royal de Wallonie de monter l’Hamlet (1868) créé à l’Opéra-Comique en 2018. Peu souvent représentée de nos jours, même s’il a été vu à la Monnaie il y a presque dix ans, et si elle le sera prochainement à l’Opéra de Paris, l’œuvre d’Ambroise Thomas ne figurait pas encore à son répertoire, à l’instar de Mignon. A cause de la pandémie, elle a en outre dû être retirée de la programmation de la saison 2020‑2021.


A défaut d’afficher beaucoup d’audace, la mise en scène cohérente et réfléchie de Cyril Teste prouve le haut potentiel dramatique de cet opéra, sans le surcharger d’intentions. Dans une scénographie sobre, presque fruste, car laissant paraître une partie de la machinerie, la vidéo exerce une fonction importante, plus encore que les toiles qui se déplacent sur des rails, et sert efficacement le propos du metteur en scène. Son utilisation, un peu trop fréquente, désormais, à l’opéra, apporte ici une dimension assez intéressante à l’action, en créant une intimité avec les personnages qui paraissent, de ce fait, encore plus authentiques et crédibles. La vidéo, diffusée en direct ou en différé, et l’occupation de l’espace brisent les frontières entre le plateau, les coulisses, la salle, le foyer, les escaliers – ne voyons‑nous pas, aussi, le bureau du directeur ? Assis incognito, ou presque, parmi les spectateurs du parterre durant toute la première partie, le Spectre se lève, la lumière braquée sur lui, pour s’adresser à Hamlet, créant ainsi un effet saisissant. La direction d’acteur, précise et soutenue, cerne la psychologie des personnages au plus près, en particulier celle d’Hamlet, dont elle traduit admirablement les tourments, et rend cette tragédie persuasive, autant de caractéristiques d’un metteur en scène surtout actif au théâtre. Quant aux lumières, elles sont superbes et valorisent au mieux ce dispositif plutôt abstrait, en tout cas moderne et épuré.


Tous les interprètes rendent justice à cette œuvre. L’Opéra royal de Wallonie a le mérite de réunir une distribution franco‑belge, avec pas moins de trois anciens lauréats primés du Concours Reine Elisabeth, et il s’agit à l’identique de celle prévue à l’origine pour les représentations d’octobre et de novembre 2020. Profondément habité par son personnage, Lionel Lhote incarne un Hamlet saisissant, torturé, mais touchant. Cette incarnation majeure est de celle qui pose un jalon dans une carrière. Le baryton évolue, en effet, dans la pleine maturité de son art, et il faut espérer qu’il n’en ait pas encore atteint le sommet, ce qui réserverait ainsi à l’avenir encore de nombreuses prises de rôle exceptionnelles. Mettant en exergue un timbre somptueux, le chanteur, en véritable artisan, met entièrement sa technique vocale, remarquablement maîtrisée, au service du jeu théâtral, et sa présence purement physique – et il figure presque tout le temps sur scène – laisse une empreinte indélébile. Jodie Devos, tout à fait remarquable en Ophélie, confirme son talent d’actrice et la solidité de son métier. Le rôle convient incontestablement aux possibilités vocales actuelles de cette soprano colorature aux aigus nets, mais la voix, fermement tenue, sait aussi revêtir des teintes plus sombres. Le médium, assez confortable, laisse augurer la prise en charge, à l’avenir, de rôles au registre dramatique encore plus prononcé. La scène de la folie au troisième acte, un des numéros les plus connus, sinon le plus connu, de cet opéra, semble vraiment réussie. Seule la diction manque parfois de précision, en comparaison avec celle de ses partenaires.


Mezzo-soprano sûre de ses moyens et consciente de sa présence, Béatrice Uria‑Monzon n’a plus rien à prouver, désormais, et sa Gertrude tout à fait convaincante suscite le respect – le duo intense avec Hamlet frappe par sa dimension tragique. Annoncé souffrant après la pause, Nicolas Testé remplit ses obligations jusqu’au bout : malgré cette méforme, son Claudius n’en paraît pas moins estimable, bien caractérisé et de bonne tenue. Tandis que Pierre Derhet attire une fois de plus l’attention en Laërte, dans une prestation qui incite à vouloir le retrouver à l’avenir dans un rôle plus central, Shadi Torbey, basse à la voix profonde et au timbre magnétique, affiche un style impeccable en Spectre. Nous regrettons la rareté de ce chanteur racé qui a la curieuse particularité de développer en parallèle une autre activité pour le moins éloignée de la musique, la conception de jeux de société. Soigneusement distribués, les petits rôles contribuent à la réussite de cette production.


Conscient de la valeur de cette partition, Guillaume Tourniaire dirige un orchestre admirable de netteté et de souplesse, capable tout autant de rondeur que d’éclat, de nuance que de puissance, le tout avec le plus parfait naturel. Grâce à sa direction soucieuse de cohérence et de continuité, le chef convainc du pouvoir d’évocation et de la nature expressive de cette respectable musique. Ambroise Thomas a réservé dans cette partition un morceau pour saxophone, joué sur scène, le musicien prenant, lui aussi, part à l’action. Préparés par Denis Segond, les choristes, enfin, ne manquent pas d’impressionner par leur tenue et leur cohésion. Nous quittons l’Opéra royal de Wallonie de plus en plus souvent satisfait.



Sébastien Foucart

 

 

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