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Schiff, la perfection classique Monaco Monte-Carlo (Auditorium Rainier III) 02/25/2023 - Johann Sebastian Bach : Variations Goldberg, BWV 988 : Aria – Capriccio sopra la lontananza del suo fratello dilettissimo, BWV 992 – Das musikalische Opfer, BWV 1079 : Ricercare a tre
Joseph Haydn : Variations en fa mineur, Hob. VII.6 – Sonate pour piano n° 62 en mi bémol, Hob. XVI:52
Wolfgang Amadeus Mozart : Rondo en la mineur, K. 511
Franz Schubert : Sonate en la majeur, D. 959 András Schiff (piano)
A. Schiff (© André Peyrègne)
Vers la fin de son récital à Monaco, le pianiste András Schiff s’est adressé au public en français : « Je vous remercie pour votre patience », a‑t‑il dit. Patience ! Ce mot venait certainement d’un anglicisme. « Je vous remercie pour votre écoute », voulait‑il sans doute dire. Car a‑t‑on besoin de faire preuve de « patience », cher maître, pour vous écouter ? Votre jeu est si beau, si pur, si parfait, si émouvant qu’on vous aurait écouté toute la nuit ! Et si le public monégasque s’est levé à la fin, ce n’était pas pour quitter la salle mais pour vous acclamer. Et, sachez‑le, les standing ovations sont chose rare à Monaco !
András Schiff était venu en Principauté avec son piano personnel – un Bösendorfer rutilant, couleur acajou. Autre particularité : le public ne connaissait pas le programme à l’avance. Le pianiste annonça les pièces au fur et à mesure.
Cela commença par le thème des Variations Goldberg de Bach. « Je commence toujours par du Bach, c’est le plus grand compositeur de l’histoire de la musique », commenta‑t‑il. Cela se poursuivit avec encore du Bach, du Haydn, du Mozart et du Schubert. Parmi les pièces de Bach, un Capriccio de jeunesse étonnant d’inventivité où l’on entend une toccata au début, une fugue à la fin et, au milieu, un étonnant passage comportant un jeu d’écho obtenu avec des notes en octave. De Haydn, on entendit entre autres ces magnifiques Variations en fa mineur et de Mozart un élégant Rondo en la mineur – tonalité rarissime chez Mozart. Puis ce fut la grande Sonate en la majeur de Schubert, ce chef‑d’œuvre où, à chaque mouvement, on croit être au sommet de la beauté schubertienne et où le mouvement suivant nous donne l’impression d’être encore plus schubertien que le précédent !
Passant de Bach à Haydn, Mozart ou Schubert, András Schiff joua avec une précision de diamantaire. Tout était ciselé, façonné, modulé, phrasé dans le moindre détail. Mais à tout moment, on sentait une émotion à fleur de peau. Ennemi de l’emphase, András Schiff a sans cesse le ton juste, le phrasé parfait. La perfection ! Voilà un mot qu’on hésite à prononcer en matière artistique et qui, pourtant, semble convenir à merveille à András Schiff.
Voilà, cher maître, pourquoi on n’a pas eu besoin de faire preuve de « patience » pour vous écouter et qu’on a ressenti, à vous entendre, un parfait bonheur !
André Peyrègne
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