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Le bel aujourd’hui de Bertrand Chamayou

Paris
Maison de la radio et de la musique
02/08/2023 -  
Unsuk Chin : Six Etudes pour piano
York Höller : Sonate pour piano n° 4 (création)
Gérard Grisey : Vortex Temporum

Bertrand Chamayou (piano)
Solistes de l’Ensemble NEXT, Léo Margue (direction)




Après Sofia Goubaïdoulina (en 2003) et Kaija Saariaho (en 2017), Unsuk Chin (née en 1961) est la troisième compositrice à avoir les honneurs du festival Présences. Sa musique, qui se ressent de sa double culture coréenne et européenne, se distingue par sa structure claire et son sens des colorations. Elle mêle aussi bien l’abstrait et le concret, la construction et l’expressivité, l’exubérance instrumentale et les sons générés par ordinateur.


En composant un cycle d’études pour piano (1995-2003) d’une grande virtuosité, la Sud‑Coréenne pose ses pas dans ceux de son maître Győrgy Ligeti, auteur de trois livres d’Etudes (1985-2001) à la difficulté proverbiale. Comme chez le Hongrois, chaque pièce se concentre sur une idée musicale, cependant que la polyrythmie favorise un mouvement mélodique constant et une harmonie plutôt statique. Bertrand Chamayou a bien capté cet univers dont l’oscillation entre rêve et réalité, délire et ordre, réclame une aisance digitale toujours sur le qui‑vive, une aptitude à se laisser surprendre par ce qu’on joue. Des grappes de notes de l’Etude n° 1 « In C » au mouvement perpétuel de l’Etude n° 4 « Scalen » en passant par le pointillisme de l’Etude n° 6 « Grains » et le flux ininterrompu de l’Etude n° 5 « Toccata » (choisie pour conclure), son jeu à la fois concentré et détendu réussit l’exploit de rendre tout cela facile...


On se réjouit de retrouver York Höller (né en 1944), dont le nom apparaissait régulièrement dans les programmes de concerts parisiens à la mi‑temps des années 1970, où Pierre Boulez lui ouvrit les portes de l’Ircam ; le Palais Garnier accueillit son opéra Le Maître et Marguerite, en 1989. S’il suivit les cours, comme beaucoup de ses contemporains, de Stockhausen à Darmstadt, c’est auprès de Bernd Alois Zimmermann, à la Musikhochschule de Cologne, qu’il apprit l’essentiel de son métier. Un métier sûr et comme empreint de nostalgie, surtout entendu dans le voisinage immédiat d’Unsuk Chin : l’encrier de Debussy semble avoir trôné sur son bureau lors de l’écriture de sa Quatrième Sonate pour piano, donnée ici en création mondiale. Les différents pôles (l’attraction tonale n’est jamais loin) autour desquels évoluent des figurations changeantes (notes répétées, trilles, pédale...), réclament un dosage millimétré des résonances ; un autre type de virtuosité en somme, dont Chamayou s’acquitte sous le regard approbateur du compositeur.


Situé entre le plaidoyer spectral des Espaces acoustiques (1974‑1985) et l’épure testamentaire des Quatre Chants pour franchir le seuil (1998), le triptyque Vortex Temporum (1994‑1996) place la focale sur l’arpège – ses répercussions dans le temps et dans l’espace. Frappe, dans la partition de Gérard Grisey (1946‑1998), ce maelstrom d’une densité inédite eu égard à l’instrumentarium réuni (flûte, clarinette, piano, violon alto, violoncelle) : il faut citer la déploration en descentes chromatiques sur laquelle s’inscrivent des déclamations astringentes, « la métrique malmenée » qui donne lieu à un fascinant « dialogue de sourds » entre le piano et les autres instruments. Les musiciens du jeune collectif NEXT, sans démériter, n’ont pu faire oublier des interprétations plus mémorables de ce classique de la musique contemporaine réclamant des solistes aguerris. La direction de Léo Margue, elle, se démène pour sécuriser son monde.


Bertrand Chamayou se montre à la hauteur des attentes, à savoir parfaitement intégré à l’ensemble dans les passages collectifs, l’athlétique cadence, avec ces sauts vertigineux d’un registre à l’autre du clavier, dénotant un je‑ne‑sais‑quoi de romantique dans l’expression. N’importe, le Toulousain compte parmi les rares solistes de renommée internationale à pouvoir assumer, au cours du même concert, un répertoire aussi aventureux et exigeant sans avoir les mains qui tremblent.



Jérémie Bigorie

 

 

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