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Lausanne
Opéra
12/21/2022 -  et 23, 27*, 28, 30, 31 décembre 2022
Frederick Loewe : My Fair Lady
Nicolas Cavallier (Higgins), Catherine Trottmann (Eliza), Christophe Lacassagne (Pickering), Julien Dran (Freddy), Rémi Ortega (Doolittle), Maxence Billiemaz (Jamie), Joël Terrin (Harry), Aslam Safla (Oliver), Shin Iglesias (Mrs. Pearce), Clémentine Bouteille (Première servante), Aurélie Brémond (Seconde servante), Laurence Amy (Mrs. Higgins, Mrs. Hopkins), Marie Daher (Mrs. Eynsford‑Hill), Richard Lahady (Karpathy), Pier‑Yves Têtu (George le barman, Charles le chauffeur), Aurélien Reymond‑Moret (L’aboyeur)
Chœur de l’Opéra de Lausanne, Jean‑Philippe Clerc (préparation), Orchestre de Chambre de Lausanne, Roberto Forés Veses (direction musicale)
Jean Liermier (mise en scène), Christophe de la Harpe (décors), Coralie Sanvoisin (costumes), Jean‑Philippe Roy (lumières), Jean‑Philippe Guilois (chorégraphie et assistant à la mise en scène), Rémy Kouadio (assistant à la mise en scène et à la chorégraphie)


(© Jean‑Guy Python)


Pour les fêtes de fin d’année, l’Opéra de Lausanne a décidé de reprendre la production de My Fair Lady créée en 2015. Mais, exactement comme il y a sept ans, le spectacle ne convainc qu’à moitié. Tout d’abord en raison de la version choisie, avec des chansons en anglais et des dialogues en français, pour permettre aux spectateurs de mieux comprendre l’intrigue, on imagine. On ne peut cependant que le répéter : cette solution hybride est peu satisfaisante, surtout pour un ouvrage tellement estampillé british et dont la langue est le sujet principal. « Discourir sur l’idiome de Shakespeare en français n’a guère de sens », disions‑nous déjà. Et passer d’une langue à l’autre sans discontinuer n’arrange guère les choses. Ainsi, au cockney des quartiers populaires de Londres se substituent pour les dialogues en français les sabirs et les accents les plus divers. Le langage d’Eliza, par exemple, oscille entre celui du titi parisien et du ch’ti, avec des zestes d’accent québécois, c’est dire. Là où le bât blesse aussi, c’est que les chanteurs ne disposent pas d’une aussi bonne diction anglaise qu’en 2015. Entendre le professeur Higgins chanter les subtilités de l’anglais avec un fort accent français fait non seulement sourire, mais fait perdre aussi au personnage une partie de sa crédibilité scénique. En outre, tous les chanteurs de la production sont des artistes lyriques, et possèdent donc une voix extrêmement travaillée, mais (trop) lourde pour les rôles, l’œuvre n’étant pas un opéra mais une comédie musicale, un musical comme l’appellent les Anglo‑Saxons. L’exemple le plus frappant est le Freddy de Julien Dran, dont le chant semble parfois artificiel, alors que l’artiste a une voix magnifique pour le répertoire lyrique.


Ces réserves étant formulées, la production conçue par Jean Liermier séduit toujours autant, par son côté vif et enlevé et ses changements de décors à vue, sans aucun temps mort, alternant rues de Londres et appartement du professeur Higgins. Le metteur en scène fait la part belle à la touche british, avec notamment Big Ben qui se déplace sur le plateau, un portrait de la reine Elizabeth II qui ne manque pas de s’esclaffer lorsque la situation vire au comique, la traditionnelle cérémonie du thé ou encore les célèbres courses d’Ascot avec l’apparition de Mary Poppins parmi les jockeys. Si l’humour ne manque pas (on pense par exemple à la colonne Morris dans laquelle est caché le professeur Higgins pour noter scrupuleusement tout ce qu’il entend autour de lui ou les scènes hautes en couleur des bas quartiers de Londres), le metteur en scène privilégie l’aspect social de l’intrigue, mettant l’accent sur la différence entre les classes et allant jusqu’à accentuer la violence et la cruauté des rapports entre Higgins et Eliza. La fin du spectacle continue d’enchanter, avec Eliza ayant tout loisir de choisir entre Higgins, Pickering et Freddy et se fendant d’une grimace à son professeur.


Musicalement, la direction de Roberto Forés Veses, à la tête de l’Orchestre de Chambre de Lausanne, est un vrai bonheur, vive, rythmée, précise et légère à la fois. Dans le rôle d’Eliza, Catherine Trottmann séduit par son aplomb et sa formidable présence scénique. Nicolas Cavallier campe un professeur Higgins misogyne et misanthrope plus vrai que nature, colérique et brutal aussi. Le contraste est saisissant avec le Pickering tout en rondeurs et en bonhomie de Christophe Lacassagne. Rémi Ortéga est un Doolittle particulièrement truculent et déluré, alors que la Mrs. Pearce très à cheval sur les principes de Shin Iglesias fait rire à chacune de ses interventions en raison de son accent allemand à couper au couteau. On mentionnera également le Freddy amoureux et romantique de Julien Dran, sans oublier la magnifique prestation du Chœur de l’Opéra de Lausanne.



Claudio Poloni

 

 

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