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Les îles sonores enchantées d’Olga Neuwirth

Paris
Cité de la musique
12/13/2022 -  
Olga Neuwirth : Le Encantadas o le avventure nel mare delle meraviglie
Serge Lemouton, Markus Noisternig (électronique Ircam), Sylvain Cadars (diffusion sonore Ircam)
Ensemble intercontemporain, Matthias Pintscher (direction)


M. Pintscher, O. Neuwirth (© Quentin Chevrier)


« Comment articuler Melville et Venise ? Vous avez une heure dix ». Tel est le défi relevé par Olga Neuwirth (née en 1968) lorsqu’elle s’attela à Le Encantadas o le avventure nel mare delle meraviglie (« Les Iles enchantées ou les aventures en mer des merveilles »), créé en 2015 au festival de Donaueschingen. Le dénominateur commun entre l’écrivain américain et la cité des doges étant l’eau, la forme de l’œuvre se mue en un archipel constitué de cinq îles (auxquelles s’ajoutent un prologue, un épilogue et deux interludes) dont la conquête importe moins que la traversée. Le titre renvoie à celui d’un des ouvrages de Melville, The Encantadas, or Enchanted Isles (1854). Grâce à un dispositif mis au point par l’Ircam, l’acoustique de San Lorenzo de Venise est reconstituée, permettant ainsi à l’auditeur de prendre place dans une « arche des rêves » qui part de cette église pour une odyssée « à travers l’espace et le temps, d’une île à l’autre, et sur les mers agitées... ».


Frappe la fluidité du discours à travers des textures tout en coulures, des contours sonores qui s’estompent en silhouette nébuleuse. La lagune de Venise (ville que Neuwirth connaît bien pour y avoir vécu) agit comme une sorte de de vortex où transitent des bruits de pas résonnant dans l’édifice, des phénomènes d’échos entre les instruments, notamment les cuivres (allusion aux canzone de Gabrieli), le parler des faubourgs populaires et le souvenir très prégnant de Luigi Nono, dont le Prometeo (1981‑1985) fut explicitement conçu pour San Lorenzo. Neuwirth en reprend moins la notion de « tragédie de l’écoute » (son style est trop « impur » pour cela) que l’éclatement de l’effectif, les sonorités parfois minérales, les contrastes dynamiques accusés entre les pianissimos le plus impalpables et les déflagrations les plus soudaines.


Les musiciens de l’Ensemble intercontemporain sont eux‑mêmes disséminés en îlots tout autour de la salle. Aux pupitres habituels se joignent des instruments aux timbres sépulcraux (saxophone basse, clarinette contrebasse, contrebasson), matérialisation d’un Léviathan prêt à sourdre des abysses, et un important pupitre de percussions. Autant de ressources à même d’engendrer des trajectoires qui fulgurent et des alliages sonores qui harponnent l’oreille, tels ces glissandos et autres effets wah‑wah aux trombones. Mathias Pintscher coordonne le tout depuis le côté gauche de la scène tandis que la compositrice, installée parmi l’équipe technique, veille au traitement du son injecté en temps réel à différents endroits de la salle.


Il en va l’espace sonore de Le Encantadas comme du métavers, certes virtuel, mais à l’impact bien réel : l’auditeur est tour à tour impressionné, séduit, bousculé, agacé (séquence de musique pop floutée par l’électronique), mais toujours captivé.



Jérémie Bigorie

 

 

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