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Leave your troubles outside ?

Paris
Le Lido2Paris
11/30/2022 -  et 1er, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 20, 21, 22, 23, 24, 27, 28, 29, 30, 31 décembre 2022, 1er, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 31 janvier, 1er, 2, 3 février 2023
John Kander : Cabaret (arrangement Jason Carr)
Lizzy Connolly (Sally Bowles), Sam Buttery (Emcee), Oliver Dench (Clifford Bradshaw), Sally Ann Triplett (Fräulein Schneider), Gary Milner (Herr Schultz), Ciarán Owens (Ernst Ludwig), Charlie Martin (Fräulein Kost, Dance Captain), Carl Au, Rhys Batten, Hannah Yun Chamberlain, Anya Ferdinand, Elizabeth Fullalove, Fraser Fraser, Luke Johnson, Dominic Lamb, Darnell Mathew‑James, Natasha May‑Thomas, Nic Myers, Rishard‑Kyro Nelson, Oliver Ramsdale, Clancy Ryan, Charlie Shae‑Waddell, Kraig Thornber, Poppy Tierney (Kit Kat girls & boys)
Maîtrise des Hauts‑de‑Seine, Gaël Darchen (direction), Orchestre du Lido2Paris, Bob Broad (direction musicale)
Robert Carsen (mise en scène, scénographie), Luis F. Carvalho (lumières, costumes, scénographie), Fabian Aloise (chorégraphie), Giuseppe d,i Iorio (lumières), Unisson Design (son), Will Duke (vidéo)


(© Julien Benhamou)


Réouverture de l’établissement mythique des Champs-Elysées parisiens : à bout de souffle, le vieux Lido en faillite post‑covid, racheté à l’euro symbolique par le groupe Accor est désormais entre les mains expertes de Jean‑Luc Choplin, à qui le public de la capitale doit tant de souvenirs indélébiles. Lever de rideau avec le musical Cabaret en VO sous‑titrée, à qui Robert Carsen rend tout son glamour sans gommer nullement la leçon grinçante de l’Histoire.


« Leave your troubles outside! » (« Laissez vos soucis dehors ! ») répète comme un mantra le maître de cérémonie du Kit Kat Club berlinois en 1931. Presque plus que deux petites années pour faire danser les derniers fêtards de la capitale de la République de Weimar sur un volcan dont les signes d’explosion s’accumulent progressivement au cours du déroulement de cette géniale comédie musicale qu’ont tirée Joe Masteroff, John Kander et Fred Ebb du roman Goodbye to Berlin, seul chef‑d’œuvre de l’écrivain anglais Christopher Isherwood. Ces souvenirs d’un jeune écrivain en devenir, à la sexualité problématique et qui va en chercher les solutions dans le Berlin vivant ses derniers feux de liberté avant l’arrivée au pouvoir du Führer que l’on sait, ont subi bien des avatars et donné naissance à ce musical, dont Robert Carsen reprend la version originale de 1966, et à l’inoubliable et increvable film aux huit Oscars de Bob Fosse en 1972.


Mais ce qu’on laisse dehors de soucis, avant de se glisser dans ce cabaret magnifiquement reconstitué et qui se prolonge dans la salle aménagée, selon la tradition du Lido, en petits guéridons où l’on peut boire et manger pendant le spectacle (seul le balcon est installé en rangs de fauteuils), c’est pour mieux s’imprégner de cette atmosphère glauque de la montée du nazisme et des formes de racisme, intolérance et violence ambiantes qui résonnent tout autant avec celles de l’Amérique des années 1960 de la création du musical qu’avec ce que devient de façon si angoissante notre monde d’aujourd’hui. Tout cela qui existe dans le livret et les chansons est exacerbé par plusieurs projections en fond de scène, dont celle du tableau final, avec son panorama de dictateurs de notre monde moderne et de catastrophes mondiales, enfonce bien le clou dans la tête du spectateur.


Mais le divertissement est réel ! Tout fonctionne à merveille grâce au magicien Carsen dans ce spectacle sans temps mort, très sexy et, chose rare, quasi parfait dans sa réalisation dès la représentation de preview (avant‑première) à laquelle nous avons assisté. Chapeau bas pour Fabian Aloise, le chorégraphe, qui a réglé quelques numéros magnifiques (« Wilkommen! », bien sûr, mais aussi « The Money Song » et « Two Ladies »), à la troupe limitée, mais très efficace, des deux genres (si l’on ose écrire, car on sait très bien que ce Kit Kat Club ne fonctionne pas sur le mode « genré » !), aux comédiens chanteurs britanniques tous étonnants, particulièrement Emcee, le maître de cérémonie, auquel Sam Buttery donne une dimension inattendue : on oublie le merveilleux et grimaçant Joel Gray pour un acteur d’un autre format, qui joue plus sur l’émotion tout en distillant l’inquiétude (son interprétation d’« I don’t care much » donne froid dans le dos) et qui n’oublie pas qu’il incarne l’Allemagne dans toute son ambiguïté. L’orchestre est bien sûr beautiful, même s’il envahit parfois un peu l’espace sonore, et le public aussi ! Son émotion est palpable dans la salle et s’exprime dans les moments les plus graves, notamment quand retentit le glaçant « Tomorrow Belongs to Me », alors que les applaudissements laissent place à un silence éloquent.


Il faut courir voir ce spectacle qui s’installe pour deux mois à Paris, avec des prix affichés raisonnables, et qui prélude à des travaux qui permettront au vieux Lido de céder la place à une véritable salle de spectacles que Jean‑Luc Choplin ambitionne de transformer en un Broadway parisien. Il a toute notre confiance !



Olivier Brunel

 

 

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