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Le destin a eu la main heureuse

Parma
Teatro Regio
09/22/2022 -  et 1er, 9, 16* octobre 2022
Giuseppe Verdi : La forza del destino
Liudmyla Monastyrska (Leonora), Gregory Kunde (Don Alvaro), Amartuvshin Enkhbat (Don Carlos), Marko Mimica (Il padre Guardiano), Roberto de Candia (Fra’ Melitone), Annalisa Stroppa (Preziosilla), Andrea Giovannini (Trabuco), Marco Spotti (Il marchese di Calatrava), Natalia Gavrilan (Curra), Jacobo Ochoa (Un alcalde), Andrea Pellegrini (Un chirurgo)
Coro del Teatro Comunale di Bologna, Gea Garatti Ansini (chef de chœur), Orchestra del Teatro Comunale di Bologna, Roberto Abbado (direction musicale)
Yannis Kokkos (mise en scène, décors et costumes), Anne Blancard (dramaturgie), Giuseppe Di Iorio (lumières), Marta Bevilacqua (mouvements chorégraphiques), Sergio Metalli (projections vidéo)


(© Roberto Ricci)


La Force du destin a ouvert et terminé en beauté l’édition 2022 du Festival Verdi de Parme. La production présentée a été de très haute tenue, ce qui en dit long sur la qualité de la manifestation, tant on connaît les difficultés que pose l’opéra de Verdi. Musicalement tout d’abord, avec des rôles particulièrement difficiles, notamment pour la soprano et le ténor. Scéniquement ensuite, avec l’alternance de pages dramatiques et de passages comiques, ce qui complique singulièrement la tâche du metteur en scène. Le premier bonheur est venu de la fosse, avec l’Orchestre du Teatro Comunale de Bologne placé sous la baguette de Roberto Abbado. Le chef a su habilement négocier les changements de climat, en parfaite fluidité. Par ailleurs, il a offert une exécution extrêmement fouillée, avec une attention particulière accordée aux couleurs et aux nuances, privilégiant les accents sombres et mystérieux de la partition, à l’opposé par exemple de la flamboyance d’Antonio Pappano dans la célèbre production de Covent Garden en 2019. Roberto Abbado n’a pas pour autant négligé la tension dramatique, livrant une direction nerveuse et urgente, très bien rendue par un Orchestre du Teatro Comunale de Bologne des grands soirs. Et dire qu’à la première, des spectateurs du poulailler ont hué le chef et lancé des tracts parce qu’il avait fait appel aux musiciens de Bologne au lieu de solliciter les instrumentistes de Parme. Des querelles de clocher tout à fait ridicules. Le Chœur du Teatro Comunale de Bologne a, lui aussi, offert une splendide prestation, avec notamment une « Vergine degli angeli » – en accompagnement de la soprano – d’une douceur infinie, qui a donné des frissons aux spectateurs.


La partie scénique du spectacle a été confiée à Yannis Kokkos, qui a présenté une production statique, sombre et sobre. Le plateau, la plupart du temps plongé dans le noir, avait pour seuls accessoires, ou presque, des panneaux évoquant une église, une croix ou des façades en ruines, sur fond de ciel menaçant, gris et nuageux. Les superbes éclairages de Giuseppe Di Iorio ont renforcé le côté sombre et angoissant du décor. La direction d’acteurs était par contre des plus sommaires, les chanteurs se retrouvant constamment livrés à eux‑mêmes sur le devant de la scène. On retiendra donc essentiellement de cette production de très belles images extrêmement évocatrices.


La distribution vocale réunie à Parme était sans faille ou presque, une gageure pour un opéra réputé difficile à distribuer. Le seul maillon faible (relatif) était la Leonora de Liudmyla Monastyrska, en raison surtout de ses aigus stridents, souvent à la limite du cri. La voix est certes puissante et bien projetée, mais on aurait souhaité davantage de nuances, quand bien même la soprano a su parfois alléger son émission, notamment dans l’air « La vergine degli angeli ». Les seconds rôles étaient tous excellents : Roberto de Candia a incarné avec beaucoup de justesse et d’émotion un Fra’ Melitone plus sombre et renfrogné qu’à l’ordinaire, sans les bouffonneries habituellement associées au personnage. Marko Mimica a fait très forte impression en padre Guardiano avec sa belle basse chantante et sonore ainsi que son legato impeccable ; un nom à suivre, assurément. En Preziosilla pour une fois juvénile, Annalisa Stroppa a fait preuve d’une énergie débordante et d’un abattage scénique confondant, sans parler de sa voix bien timbrée, aux aigus rayonnants. En Don Carlos de Vargas, Amartuvshin Enkhbat est resté un peu en retrait au premier acte, mettant du temps à chauffer son instrument. Par la suite, le baryton mongol a ébloui par la puissance et la solidité de sa voix, parfaitement conduite sur toute la tessiture, même si le chant restait souvent en arrière dans le masque. Le grand triomphateur du spectacle a été Gregory Kunde en Don Alvaro. Son air « O tu che in seno agli angeli »  – le moment fort de la soirée – a été suivi par de très longs et chaleureux applaudissements, qui ont visiblement ému le ténor, au point qu’il a abandonné sa pose pour remercier le public. Même si le timbre n’est peut-être pas le plus beau qui soit, manquant d’italianità, on n’en demeure pas moins impressionné par la maîtrise de la voix, toujours parfaitement contrôlée, par le sens du phrasé ainsi que par l’art des nuances, sans parler d’une diction exemplaire. Et impressionné aussi par l’aplomb de l’interprète qui, malgré ses 68 ans, a terminé l’opéra sans la moindre trace de fatigue. Et dire qu’il a commencé sa carrière comme ténor rossinien. Impressionnant !



Claudio Poloni

 

 

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