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La rhétorique de Dohnanyi

Paris
Salle Pleyel
02/27/2002 -  et 28 février 2002

Thomas Adès : Asyla, opus 17
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 1,
opus 15

Johannes Brahms : Symphonie n° 2, opus 73


Alfred Brendel (piano)
Orchestre de Paris, Christoph von Dohnanyi (direction)

Thomas Adès, compositeur britannique né en 1971, tant par sa précocité que par les fonctions de directeur artistique qu’il exerce au Festival d’Aldeburgh, est souvent présenté comme un successeur de Britten. En apéritif d’un copieux programme, Asyla (1997) démontre en tout cas que ce jeune homme a beaucoup lu et beaucoup entendu (Adams, Bernstein, Cage, Mahler, Schnittke, Varèse…). Quant à savoir s’il est parvenu à digérer tous ces apports, c’est une question d’appréciation. La partition pourrait évoquer une symphonie par sa construction (quatre mouvements) et par sa durée (un peu moins de vingt-cinq minutes), mais le propos en semble à la fois plus descriptif et plus décousu. Ne ferait-elle pas une excellente musique de scène ou de cinéma ? Proposant une sorte de visite dans la maison hantée d’un luxueux Luna Park orchestral, elle semble privilégier le premier de deux aspects évoqués par le titre, le pluriel de asylum suggérant à la fois l’asile de fous et l’asile au sens de « refuge ».


Cette impression tient sans doute au langage d’Adès, fondé sur des éléments constitutifs volontairement rudimentaires, composite, grinçant, parfois même déglingué, recourant au collage et aux oppositions de hauteurs ou de timbres. Cette culture du bizarre, qui fait mine de tourner délibérément le dos au lisse et au beau, n’en récupère pas moins des éléments classiques : outre la forme en quatre mouvements précédemment évoquée, elle fait entendre une passacaille (deuxième mouvement) et un ostinato (troisième mouvement, ou West Side story chez Phil Glass). La Salle Pleyel, qui ne compte plus une place libre, réserve un accueil poli à ces farces et attrapes sonores.


Beethoven avait, peu ou prou, l’âge du compositeur d’Asyla lorsqu’il écrivit son Premier concerto pour piano : après les visions divergentes d’Olli Mustonen (voir ici) et de Christoph Eschenbach (voir ici) en mai dernier, Alfred Brendel en propose une lecture très classique, sans effusions excessives, jouant davantage sur les nuances que sur les contrastes et alternant humour, tendresse, poésie et mystère. Christoph von Dohnanyi, à la tête d’un effectif restreint (quarante cordes), paraît parfois trop sec et anguleux dans les importants passages confiés à l’orchestre seul, mais ailleurs, il privilégie toujours un dialogue d’une grande qualité avec le soliste. L’harmonie est la plus aboutie dans un finale pimpant, où le pianiste autrichien, agile et espiègle, s’amuse visiblement. L’enthousiasme du public, justifié par la rareté des apparitions de Brendel, n’aura pas raison de son inflexibilité et aucun bis ne sera donc concédé.


Dohnanyi semble poursuivre une intégrale Brahms avec l’Orchestre de Paris, étalée sur plusieurs saisons. Après une bien étrange Première symphonie en avril dernier (voir ici), il était difficile de ne pas faire preuve d’une certaine inquiétude avant d’écouter la Deuxième symphonie, d’autant que l’on constate que l’effectif raisonnable de soixante cordes est complété par des bois doublés. De fait, l’approche du chef allemand est aux antipodes de celle qui prévaut traditionnellement dans cette œuvre, consistant à mettre l’accent sur le caractère radieux, solaire, optimiste, détendu et pastoral de la partition. C’est encore ainsi, tout récemment (voir ici), que Chung l’abordait, laissant musarder son intuition et respirer la musique.


Dans une conception plus minérale que lyrique, plus énergique que chaleureuse, plus imposante que souriante, plus rhétorique qu’émotive, Dohnanyi, au contraire, met en valeur la solidité de l’architecture et le versant sérieux, voire sombre, de l’expression. Comme la Première l’année passée, cette Deuxième manque donc parfois d’allant, mais, malgré la taille de l’effectif, elle offre souvent transparence et finesse, grâce à un Orchestre de Paris remarquablement attentif. Dès l’allegro non troppo, qui, donné avec la reprise, dépasse largement les vingt minutes, les effets de manche sont bannis et l’attention est souvent tournée vers les voix secondaires, au point que le caractère chantant du second thème est étonnamment bridé. L’adagio non troppo, d’humeur méditative, contraste peu et c’est à peine si l’allegretto grazioso, dépourvu à la fois de légèreté et de rusticité, apporte une détente. Le finale, toujours contrôlé d’une main de fer, alors qu’il est si souvent l’occasion d’une joyeuse débandade désordonnée, est également soigneusement construit, et c’est seulement à sa deuxième apparition que le second thème, profondément lyrique, acquiert tout son caractère.



Simon Corley

 

 

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