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Le SWR se consolide

Baden-Baden
Festspielhaus
06/05/2022 -  
Esa-Pekka Salonen : Concerto pour violon
Richard Wagner : Die Walküre : Acte I

Patricia Kopatchinskaja (violon), Camilla Nylund (Sieglinde), Bryan Register (Siegmund), Dimitry Ivashchenko (Hunding)
SWR Symphonieorchester, Dima Slobodeniouk (direction)


C. Nylund, D. Slobodeniouk, B. Register (© Andrea Kremper)


Déjà huit années ont passé, depuis le douloureux processus de fusion qui a conduit aux disparitions simultanées des orchestres du SWR de Baden‑Baden et Freiburg et du SWR de Stuttgart, au profit d’une chimère symphonique de cent soixante‑dix musiciens, formation géante appelée désormais le SWR Symphonieorchester et basée à Stuttgart. Déjà au cours de saisons normales, un effectif aussi démesuré paraissait absurde, avec à la clé une programmation imposant de privilégier les mastodontes du répertoire symphonique, dont une tonitruante Septième Symphonie de Chostakovitch entendue à Freiburg en 2019. Alors, a fortiori, en période de pandémie, imposant une distanciation drastique des pupitres, gageons que pendant plus d’une année beaucoup de ces musiciens sont restés chez eux, payés des semaines durant à ne rien faire. Ces longs mois vides ont aussi coïncidé avec un mandat de tout premier directeur musical de l’orchestre difficile à exercer, par un Teodor Currentzis fraîchement nommé, et de toute façon assez peu présent.


C’est donc avec une certaine appréhension que l’on venait écouter cette formation, appelée par Benedikt Stampa, intendant du Festspielhaus, à jouer à présent un rôle plus important, sinon à demeure, du moins plus régulier, à Baden‑Baden. Un potentiel dont il aurait sans doute été plus judicieux de prendre conscience il y a dix ans, quand quelques millions annuels supplémentaires auraient pu suffire à sauver le défunt Orchestre du SWR de Baden‑Baden et Freiburg, en lui proposant le même genre de calendrier stable. Certes à l’époque, les décideurs et les enjeux n’étaient pas les mêmes, mais ce genre de cafouillage politique, par manque général de clairvoyance voire de culture, laisse quand même un goût amer.


Place à donc à cet orchestre « fusionné », présent ce soir en gros effectif pour le Premier Acte de La Walkyrie en version concertante. Pléthore de cordes en particulier, où l’on reconnaît de nombreux anciens de l’Orchestre du SWR de Baden‑Baden et Freiburg, et dont la qualité sonore globale est plutôt homogène, voire excellente, seuls des vents un peu hésitants révélant encore ici ou là qu’il s’agit d’un conglomérat de musiciens qui ne sont toujours pas habitués à jouer très souvent ensemble. S’y ajoutent des cuivres peu raffinés, mais d’une sûreté germanique rassurante. Donc une formation devenue au moins présentable, ce qu’elle était loin d’être au départ, et qu’un chef de bonne envergure peut amener à des résultats probants, dont cette magistrale lecture wagnérienne par Dima Slobodeniouk, 45 ans maintenant, chef russe dont on a pu suivre épisodiquement la carrière depuis quinze ans déjà. Une direction très technique et précise, reposant sur une battue dépourvue de toute ambiguïté, et une interprétation qui privilégie célérité et transparence, dont l’énergie nous rappelle rien moins que celle d’un désormais lointain Karl Böhm. On tient là un vrai chef wagnérien, auquel Bayreuth devrait penser.


Version de concert, mais sans pupitres pour les trois solistes, qui chantent par cœur, voire s’essayent spontanément à un peu de jeu scénique, en restant cependant timorés. Des voix bien choisies, voire la révélation d’un excellent Siegmund, le ténor américain Bryan Register, doté d’un timbre substantiel et lumineux, et aussi d’une technique sans faille. Quelque chose de la stabilité et de la vaillance d’un James King : un vrai confort vocal, voire une indiscutable stature de héros. Et face à ce titulaire d’exception, la solidité prévisible de Camilla Nylund, Sieglinde impeccable, aux vrais moyens de soprano dramatique, restés sveltes et dociles. En rien une incarnation de torche vivante, du moins au concert, mais une interprétation compétente, qui valorise correctement tous les aspects d’un rôle en or. Déjà remarqué dans Mazeppa sur la même scène l’an dernier, Dimitry Ivashchenko campe un Hunding moyennement impressionnant, que l’on imagine davantage en manager macho dans une mise en scène de Michael Haneke, qu’en brute épaisse couverte de peaux de bête, mais là c’est un signe des temps : les Hunding vraiment monstrueux, ceux qui donnent le frisson par la seule ampleur de leur « creux » vocal, paraissent en voie d’extinction.


En première partie, le Concerto pour violon d’Esa‑Pekka Salonen, créé en 2009 à Los Angeles par Leila Josefowicz : une œuvre contemporaine qui enrichit utilement le répertoire du violon concertant, ne serait‑ce que parce qu’elle respecte sensiblement toutes les conventions du genre. La partie soliste est virtuose, les échanges avec l’orchestre sont cohérents, confrontation logique du début à la fin, tantôt brutale tantôt plus lyrique, avec un vrai sens du cheminement. Evidemment la musique de Salonen reste celle d’un chef d’orchestre et non d’un innovant iconoclaste, les textures charriant ici un peu de tout, du Stravinsky du Sacre à Bernstein, en passant par beaucoup de mixtures vaguement spectrales, mais elles font de l’effet, leur confrontation avec une soliste qui doit faire preuve d’un vrai tempérament pour surnager créant de multiples situations excitantes. Et là on peut compter sur Patricia Kopatchinskaja pour en rajouter s’il le faut, en portant sa partie à un degré extrême d’agitation et de turbulences. Bref une ambiance très électrique côté soliste, qui contraste avec l’imperturbable sang‑froid du chef. Certainement un concerto appelé à compter dans le paysage contemporain, et qui peut même faciliter l’accès d’une modernité relativement exigeante à un public volontiers effarouché


Joli bis, où Frank-Michael Guthmann, violoncelle solo de l’orchestre, donne à Patricia Kopatchinskaja une réplique pleine d’humour, dans le deuxième mouvement, « Très vif », de la Sonate pour violon et violoncelle de Ravel.



Laurent Barthel

 

 

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