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L’homme-orchestre

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
06/11/2022 -  et 3 (Praha), 4 (Dresden), 5 (Berlin), 6 (Hamburg), 8 (Köln), 9 (Luxembourg), 10 (Bruxelles) juin 2022
Sofia Goubaïdoulina : Märchen‑Poem
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 9, opus 70
Antonín Dvorák : Symphonie n° 6, opus 60, B. 112

Wiener Philharmoniker, Andris Nelsons (direction)


A. Nelsons (© Marco Borggreve)


Après un passage récent à la Philharmonie de Paris avec le Gewandhaus de Leipzig pour deux concerts (voir ici et ici), le chef letton Andris Nelsons était de nouveau à Paris pour un concert unique avec un orchestre qu’il connaît depuis de nombreuses années, le Philharmonique de Vienne, régulièrement accueilli avenue Montaigne.


Ce concert débutait par une courte pièce de Sofia Goubaïdoulina écrite en 1971 puis modifiée en 1992. Au départ illustration à visée radiophonique d’un conte enfantin, elle est désormais une pièce de concert. Malgré une parfaite mise en place, la pièce ne parvient pas à intéresser sans doute car elle est surtout constituée de collages de passages très hétéroclites et également du fait de l’utilisation tant de fois entendue en musique contemporaine de longs trémolos de cordes. On peine donc à percevoir la ligne comme l’architecture de cette œuvre. L’accueil est poli.


La Neuvième Symphonie de Chostakovitch est une œuvre atypique par sa brièveté et son esprit, plus léger que celui de la tragique Huitième Symphonie et de la Dixième, écrite après le décès de Staline et composée de cinq mouvements. Le premier met en valeur les belles individualités de l’orchestre, le piccolo d’abord, puis le magnifique violon solo de Rainer Honeck et le pupitre de cuivres dans une fanfare débridée tellement typique du compositeur russe. Le deuxième mouvement est une émouvante déploration qui fait la part belle aux vents, notamment à la clarinette de Daniel Ottensamer et au basson expressif de la française Sophie Dervaux. Les trois mouvements suivants sont enchaînés : un scherzo lui aussi caractéristique du style de Chostakovitch durant lequel les cuivres et les percussions mènent une danse un peu grotesque tout en dialoguant avec des cordes puissantes précède la réapparition du basson solo implorant du plus bel effet puis l’apparition d’une danse à la joie contenue avant l’accélération et l’explosion finales. Andris Nelsons dirige avec son style inimitable par moments au plus près de l’orchestre ailleurs les bras très hauts mais sans jamais de pathos. La tension qu’il insuffle est permanente, la circulation de la musique entre les pupitres constante et l’énergie bien présente mais toujours contrôlée.


On ne peut pas dire que la Sixième Symphonie de Dvorák encombre les salles de concerts. Considérée comme la plus brahmsienne et la première vraie symphonie de la maturité du maître tchèque, elle n’est pourtant pas sans atout, surtout magnifiquement interprétée comme ce soir. Elle se développe en quatre mouvements alternant traditionnellement allegro, adagio, scherzo et final. La lecture proposée par Andris Nelsons est à la fois engagée, fluide et d’une grande lisibilité, mettant en valeur la riche et subtile orchestration. L’Allegro non tanto initial, d’une grande maîtrise de composition, respire avec élégance. Quant à l’Adagio, il chante avec une nostalgie très Mitteleuropa. Le scherzo, en fait un Furiant (presto), le plus célèbre passage de la symphonie, s’inspire d’une danse tchèque aux rythmes binaire et tertiaire mélangés et déborde d’une joie simple parfaitement rendue par les Viennois. L’Allegro con spirito final, qui fait à son début penser au quatrième mouvement de la Deuxième Symphonie de Brahms, n’est ensuite qu’une succession de ruptures de rythmes, de dialogues entre les cordes, les cuivres et les vents et de contrastes parfaitement agencés. L’apothéose finale est jubilatoire à souhait.


En bis, un Andris Nelsons très dansant dirige avec une souplesse très viennoise d’esprit et de réalisation la valse de Johann Strauss Wo die Citronen blüh’n du plus bel effet. Triomphe assuré et nul doute qu’il sera à nouveau invité à diriger un prochain concert du Nouvel An.


Ce soir encore la rencontre d’un très grand orchestre et d’un chef de grand talent a fait des étincelles. Andris Nelsons prouve ici à nouveau qu’il s’entend musicalement à merveille avec cette phalange hors du commun. Après Boston, puis Leipzig et depuis quelques années déjà Vienne, il a montré ce soir une nouvelle fois qu’il était un véritable homme‑orchestre. On aimerait tant entendre un jour cette belle équipe dans une acoustique plus propice à l’épanouissement de ce son unique à la fois puissant et raffiné... par exemple à la Philharmonie de Paris. Il n’est pas interdit de rêver qu’un jour la vie symphonique parisienne devienne moins cloisonnée.



Gilles Lesur

 

 

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