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Le retour attendu de Serebrennikov

Amsterdam
Nationale Opera & Ballet
06/03/2022 -  et 7, 9, 12, 14, 18, 21, 25 juin 2022
Carl Maria von Weber : Der Freischütz, opus 77, J. 277
Michael Wilmering (Ottokar, Kilian), James Platt (Cuno), Johanni van Oostrum (Agathe), Ying Fang (Annchen), Gunther Groissböck (Kaspar, Ein Eremit), Benjamin Bruns (Max), Patrick Hahn (Samiel), Odin Lund Biron (The Red One), Caroline Cartens, Lisette Bolle, Dana Ilia, Tomoko Makuuchi (Brautjungfern)
Koor van De Nationale Opera, Lionel Sow (chef de chœur), Nationaal Jeugd Jazz Orkest, Koninklijk Concertgebouworkest, Patrick Hahn (direction musicale)
Kirill Serebrennikov (mise en scène, décors, costumes), Evgeny Kulagin (mise en scène, chorégraphie), Tatyana Dolmatovskaya (costumes), Franck Evin (lumières), Alan Mandelshtam (vidéo), Daniil Orlov (dramaturgie)


B. Bruns, G. Groissböck (© Bart Grietens/De Nationale Opera)


Nouvelle production événementielle de l’Opéra néerlandais à Amsterdam, le Freischütz marque le retour attendu à l’opéra du metteur en scène et cinéaste Kirill Serebrennikov après sa longue période d’assignation à résidence en Russie.


Si le Freischütz (Le Franc‑Tireur, 1821) marque dans l’histoire de la musique allemande le début de l’opéra romantique (rarement une œuvre, dont le Chœur des chasseurs demeure un tube incontesté, avait connu une diffusion et un succès public européen aussi rapides), sa forme de singspiel avec des dialogues parlés souvent grandiloquents autorise, deux siècles après sa création à Berlin, une réappropriation dont ne se sont pas privés ces derniers temps des metteurs en scène iconoclastes tels Calixto Bieito, La Fura dels Baus et Dimitri Tcherniakov. A peine libéré de sa pénible assignation à résidence à Moscou depuis 2017, période pendant laquelle il a réglé à distance des mises en scènes lyriques comme le récent Parsifal de Wagner à l’Opéra de Vienne ou Le Nez de Chostakovitch à l’Opéra de Bavière, Kirill Serebrennikov, qui vient de présenter à Cannes son film La Femme de Tchaïkovski et qui s’apprête à réaliser à Avignon un spectacle musical d’après Le Moine noir de Tchekhov (que l’on pourra voir à Paris au Châtelet en mars prochain), s’empare à son tour de cette œuvre emblématique.


Il en a réécrit totalement en anglais des dialogues pour régler un spectacle étonnant qui, conservant la musique de Weber, permet de superposer à l’intrigue aux relents diaboliques la participation des chanteurs, choristes, musiciens qui contribuent à son élaboration. On assiste aux états d’âme des participants concernant notamment tout ce qui tourne autour de la superstition dans la préparation d’un spectacle lyrique en parallèle à l’action, qui est résumée pendant l’Ouverture dans un astucieux raccourci à la manière d’un trailer cinématographique. Il y interpole aussi avec une musique de scène des extraits du Cavalier noir, un spectacle réalisé en 1990 à Hambourg par Robert Wilson sur le même sujet avec des ajouts de William Burroughs pour Tom Waits, chanteur américain célèbre pour la raucité de sa voix. On peut penser ce que l’on veut de ces manipulations d’œuvres cultes mais force est de constater que le résultat est spectaculaire et très convaincant. Les chanteurs, avec des aptitudes théâtrales inhabituelles, y sont pour beaucoup ainsi que le talent de l’Homme en rouge, personnage surajouté comme meneur de jeu, incarné avec brio par le chanteur américain formé à Moscou Odin Lund Biron, lui‑même participant aux deux récents projets déjà cités de Serebrennikov dont il est un acteur fétiche.


Autre événement de tradition dans cette maison, la production qui ouvre au printemps le Festival de Hollande convoque le merveilleux Orchestre royal du Concertgebouw pour une unique prestation annuelle dans la fosse. Sous la direction du jeune chef autrichien Patrick Hahn (qui joue aussi le personnage diabolique de Samiel), il a donné de cette musique quintessentielle du romantisme allemand une interprétation superlative avec des instruments magiques comme les vents ou la miraculeuse intervention sur scène par la musicienne qui accompagne l’air avec alto obligé d’Annette. Le Chœur de l’Opéra national, en plus d’être impliqué théâtralement dans le spectacle, s’est montré en tous points remarquable.


La distribution magnifique était dominée par la basse allemande Günther Groissböck, que le public français connaît bien pour ses participations à des productions wagnériennes, Kaspar noir à souhait puis au final un fascinant Ermite. Bien que tous remarquables pour le style et le chant, les autres chanteurs n’avaient pas le format vocal et la projection nécessaires pour cette grande salle, inconvénient très largement compensé par leur aptitude à se plier à des exigences quasi cinématographiques du metteur en scène. Particulièrement, le baryton néerlandais Michael Wilmering, qui jouait avec la versatilité d’un clown les rôles de Kilian et du prince Ottokar, et le jeune soprano chinois Ying Fang, délicieuse Annette mais aussi une sacrée bête de scène. Les rôles de Max et Agathe étaient aussi magnifiquement tenus (avec les réserves précédemment émises) par le ténor allemand Benjamin Bruns et le soprano sud‑africain Johanne van Oostrum.



Olivier Brunel

 

 

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