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L’univers entre ses doigts Vienna
Konzerthaus
05/17/2022 -
Franz Schubert : Sonate pour piano en ré majeur « Gasteiner », D. 850
Robert Schumann : Kinderszenen, opus 15 – Fantaisie, opus 17
Arcadi Volodos (piano)
A. Volodos (© Marco Borggreve)
Alors que les premières notes du piano traversent la salle, Arcadi Volodos ne semble pas commencer son récital mais plutôt le poursuivre, un peu comme s’il complétait à voix haute une pensée qui l’habitait avant d’entrer sur scène. De fait, l’Allegro vivace initial de la Sonate D. 850 surprend par la rapidité des cascades de notes, donnant la sensation d’une immense introduction ad libitum qui préluderait aux mouvements suivants. Le Schubert qui naît sous les doigts de Volodos est décidément bien étrange, le pianiste l’interprétant avec la familiarité d’un vieil ami qui ferait fi des convenances d’usage ; il n’y a là aucune facilité, même dans l’énonciation du thème du Rondo final, et la musique revêt ainsi parfois un caractère moderne et abstrait, les changements de tempo y jouant un rôle organique, au même titre que les dynamiques ou les timbres.
La seconde partie démontre le sens de la concision du pianiste, qui scelle en l’espace de quelques notes les atmosphères caractéristiques de chacune des miniatures de l’Opus 15 de Schumann ; on en retrouve encore la preuve dans la coda du premier mouvement de la Fantaisie, dans laquelle toute les tensions se résument et s’éclairent miraculeusement dans les derniers accords.
Vivre l’expérience d’un récital de Volodos laisse une impression bien différente de celle de ses enregistrements ; on y retrouve certes cette perfection désintéressée du medium pianistique, cette amplitude inouïe de son – mais alors que le disque nous pousse vers un idéal hypercontrôlé de beauté microscopique, le Volodos de la scène se pose plutôt en créateur de cosmos musical, organisant le chaos pour y faire naitre une sculpture temporelle et sonore. Les nombreux « anti‑bis » accordées à un public enthousiaste, tous plus ésotériques et éthérés les uns que les autres (Liadov, Scriabine, Mompou), nous transportent encore pour quelques moments dans l’univers musical de cet immense artiste.
Dimitri Finker
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