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Nouvelle production de Platée

Versailles
Opéra royal
05/18/2022 -  et 19, 20, 22, 23, 24  mars (Toulouse), 20*, 21, 22 mai (Versailles) 2022
Jean‑Philippe Rameau : Platée
Marc Labonnette (Cithéron), Jean‑Christophe Lanièce (Momus), Marie Perbost (La Folie), Lila Dufy (Clarine), Mathias Vidal (Platée), Jean‑Vincent Blot (Jupiter), Pierre Derhet (Mercure), Marie‑Laure Garnier (Junon)
Ballet du Capitole, Le Concert Spirituel, Hervé Niquet (direction)
Corinne et Gilles Benizio, alias Shirley et Dino (mise en scène, costumes), Hernán Penuela (décors), Patrick Méeüs (lumières), Kader Belarbi (chorégraphie)


(© Mirco Magliocca)


Repoussée par la pandémie en 2020, la production de Platée imaginée par Corinne et Gilles Benizio, alias le couple d’humoristes Shirley et Dino, a pu enfin être présentée en début d’année à Toulouse, puis en ce moment à Versailles. C’est un événement à ne pas manquer, tant les deux spécialistes de cabaret apportent un vent de folie à nul autre pareil, qui casse les codes solennels du classique pour rajeunir et diversifier le public attendu. La salle comble à Versailles en témoigne et s’amuse d’emblée du rôle important dévolu à Hervé Niquet : non plus seulement chef dans la fosse, le fondateur du Concert Spirituel – en 1987, déjà ! – prodigue d’inattendus talents d’acteur comique, montant à plusieurs reprises sur scène, dialoguant avec le public ou le faisant chanter du Rameau en canon... On ne dévoilera pas les nombreux gags de ce spectacle aux allures de répétition générale, dont les multiples interruptions intempestives restent toujours au bénéfice de l’enrichissement de l’action.


Avec la suppression du Prologue, assumée avec esprit et humour, le spectacle ose tout, de l’adjonction d’un ballet romantique à une samba déjantée, en passant par une guitare électrique dévolue à la Folie : il faut un art consommé des transitions pour parvenir à retomber toujours sur ses pattes, un art de la pantomime, aussi, que nourrit chacun des interprètes, toujours affairé à faire vivre son personnage d’une multitude d’expressions, même lorsqu’il ne fait rien. S’il faut un peu de temps pour s’habituer à ce foisonnement loufoque, un peu moins réussi dans l’animation théâtrale du chœur, les deux derniers actes du spectacle sont quant à eux une grande réussite : la richesse d’imagination fantasque dévolue aux costumes joue souvent sur le comique de travestissement (Platée grimée en Bette Davis, Jupiter en d’improbables créatures, etc.), tandis que l’étourdissant ballet des seize danseurs de Kader Belarbi (directeur du ballet du Capitole de Toulouse) n’est pas pour rien dans l’énergie insufflée tout du long.


Dans la fosse, Hervé Niquet secoue son Rameau comme jamais, surarticulant et musclant ses phrasés péremptoires, très vifs dans les passages verticaux. On perd en grandeur ce que l’on gagne en frémissements et scansions nerveuses, le chef sachant toutefois alanguir sa baguette dans les parties plus recueillies, avec un sens du théâtre plus prononcé. C’est heureux, tant le plateau vocal réuni montre un niveau vocal superlatif, et ce malgré un rôle‑titre à la tessiture limitée. Mathias Vidal peine en effet dans le suraigu à plusieurs reprises, avec une projection plus faible par rapport à ses partenaires. Fort heureusement, ses qualités de diction, autant que son investissement scénique désopilant, compensent ses imperfections et lui valent un triomphe public mérité en fin de représentation. L’autre grande salve d’applaudissements est recueillie par Marie Perbost (La Folie), aux faux airs de Nina Hagen, qui trouve le juste équilibre entre démesure scénique et ivresse vocale, et ce malgré un positionnement de voix un peu instable par endroits. Rien de tel pour le solide et sonore Cithéron de Marc Labonnette, tandis que Jean‑Christophe Lanièce (Momus) et Pierre Derhet (Mercure) font valoir un chant raffiné et éloquent, techniquement sans faille. On aime aussi l’autorité naturelle, portée par une belle résonnance, de Jean‑Vincent Blot (Jupiter), de même que l’impayable Marie‑Laure Garnier (Junon), délicieusement extravertie lors de ses interventions.


Ce spectacle idéal pour s’initier à la musique baroque et découvrir les rythmes entraînants de Rameau est donné jusqu’à dimanche à Versailles. Espérons qu’il sera vite repris, à l’instar du succès rencontré par Don Quichotte chez la Duchesse de Boismortier (voir notamment en 2015 à Metz et Montpellier), le précédent spectacle monté par Hervé Niquet et les Benizio. Il est possible de voir ou revoir cette production, ainsi que de nombreuses autres, sur la nouvelle plateforme de diffusion en continu de l’Opéra de Versailles.



Florent Coudeyrat

 

 

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