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Un Werther idéal

Lausanne
Opéra
05/15/2022 -  et 18*, 20, 22 mai 2022
Jules Massenet : Werther
Jean‑François Borras (Werther), Héloïse Mas (Charlotte), Marie Lys (Sophie), Vincent Le Texier (Le Bailli), Mikhail Timoshenko (Albert), Maxence Billiemaz (Schmidt), Aslam Safla (Johann), Etienne Anker (Bruhlmann), Clémentine Bouteille (Käthchen)
Chœur de l’Ecole de Musique Lausanne, Catherine Fender (préparation), Orchestre de Chambre de Lausanne, Laurent Campellone (direction musicale)
Vincent Boussard (mise en scène), Heiko Hentschel (assistant à la mise en scène), Vincent Lemaire (décors), Christian Lacroix (costumes), Jean‑Philippe Pons (assistant aux costumes), Nicolas Gilli (lumières), Nicolas Hurtevent (vidéo)


(© Jean-Guy Python)


La nouvelle production de Werther qui clôt en beauté la saison 2021‑2022 de l’Opéra de Lausanne a tout du spectacle idéal : une distribution vocale remarquable, une direction musicale inspirée et une mise en scène originale mais lisible.


La distribution d’abord : Jean‑François Borras est un Werther tout simplement exceptionnel. Voix de velours aux moyens impressionnants, il saisit aux tripes quand il clame sa passion pour Charlotte fortissimo, en amoureux exalté ; il est tout aussi convaincant et émouvant quand il se fait poète fragile et intériorisé, tout en nuances et en raffinement, au phrasé exemplaire et à la diction impeccable, prenant sans cesse des notes dans un petit carnet qu’il tient toujours à la main. Héloïse Mas ne lui cède en rien en Charlotte. Au début parfaitement impassible et pudique, gardant un calme souverain, totalement imprégnée de son devoir de mère envers ses frères et sœurs, elle finit par laisser éclater ses sentiments et sa sensualité, avec une magnifique voix grave et corsée, dans des accents déchirants. Dans les duos entre les deux personnages principaux, la sincérité le dispute toujours à l’émotion. Voix claire et lumineuse, superbe d’aisance, Marie Lys campe une Sophie encore adolescente, qui se cache pour fumer, confondante de désinvolture et de naïveté. Un peu plus en retrait tant vocalement que scéniquement, Mikhail Timoshenko incarne un Albert digne et retenu. Le Bailli de Vincent Le Texier se distingue lui aussi par sa diction parfaite – les surtitres sont parfaitement inutiles – et tous les rôles secondaires sont idéalement tenus. A la tête de l’Orchestre de Chambre de Lausanne, Laurent Campellone cisèle la partition de Massenet en orfèvre : sa direction très souple se veut attentive aux chanteurs ; elle sait se faire vibrante de passion et incandescente de lyrisme dans les moments de paroxysme, avec une belle plénitude du son, mais se pare aussi de splendides demi‑teintes et d’une large palette de couleurs sombres dans les pages empreintes de nostalgie et de mélancolie. On admire aussi les nombreuses interventions des solistes de l’Orchestre, notamment le saxophone alto dans l’Air des larmes.


Le metteur en scène Vincent Boussard a transposé Werther dans un cadre bourgeois étriqué et pétri de conventions, dans lequel chacun étouffe et où les femmes sont les premières victimes. Au lever de rideau, un mur immense transforme le plateau en couloir étroit, dans lequel les enfants du Bailli jouent au train électrique. Les scènes suivantes se déroulent dans des lieux clos délimités par de hautes parois blanches sur lesquelles sont projetées des vidéos d’arbres ou de plantes. La relative sobriété des décors est contrebalancée par les splendides costumes de Christian Lacroix : la pièce la plus remarquable est certainement la longue robe brune rayée portée par Charlotte, avec un immense nœud turquoise dans le dos. Parmi les idées originales de la mise en scène, il faut signaler aussi le rideau qui tombe à intervalles réguliers au deuxième acte et qui découpe l’action en courtes séquences. Et surtout, Albert et Sophie sont toujours présents lors des duos entre Charlotte et Werther. La scène finale est particulièrement énigmatique et laisse la porte ouverte à toutes les interprétations : Charlotte, violentée par Albert, tombe au sol, immobile. Est‑elle morte ? Dans le duo qui suit, Charlotte et Werther occupent chacun un côté du plateau, sans jamais se toucher, et Albert est toujours présent aux côtés de sa femme, essayant de la consoler. S’agit‑il d’un rêve ? Ou les deux personnages principaux sont‑ils déjà morts ? Un coup de pistolet sonore marque la fin de la représentation.



Claudio Poloni

 

 

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