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Emmanuel Pahud sauve la soirée

Paris
Cité de la musique
05/11/2022 -  
Pierre Boulez : Mémoriale (... explosante‑fixe... Originel)
Eric Montalbetti : Cavernes et Soleils (création)
Matthias Pintscher : beyond (a system of passing)
Michael Jarrell : ... un temps de silence...
Irini Amargianaki : N 37° 58’ 21.108 E 23° 43’ 23.27 Athens

Christina Daletska (mezzo), Emmanuel Pahud, Sophie Cherrier, Emmanuelle Ophèle (flûte)
Ensemble intercontemporain, Matthias Pintscher (direction)


E. Ophèle, E. Pahud, S. Cherrier (© Quentin Chevrier)


Emmanuelle Ophèle inaugure ce concert où la flûte se taille la part du lion avec le bref Mémoriale (... explosante‑fixe... Originel), créé en 1985 par sa consœur Sophie Cherrier. Noyau du futur ... explosante‑fixe... (1993), l’œuvre se meut dans des nuances feutrées. L’influence des Symphonies d’instruments à vent de Stravinsky se perçoit dans l’alternance des couplets légers et de refrains plus graves. Cette musique ailée, parsemée de trilles iridescents qui relient Boulez au baroque de Couperin, passe avec la légèreté des nuages ; nuages dont Baudelaire célébra, en son temps, la poésie...


Que Matthias Pintscher (né en 1971) ait tiré bénéfice de l’extraordinaire gamme de modes de jeux déployée par la flûte depuis l’entrée en scène de certains virtuoses (Severino Gazzelloni, Pierre‑Yves Artaud, etc.), quelques notes de beyond (a system of passing) en témoignent. Sophie Cherrier orchestre son jeu, entre en dialogue avec son propre souffle et autres bruits de clé quand elle n’explose pas en notes‑fusées. Inspirée par une œuvre d’Anselm Kiefer qui fustige les visées impérialistes de Frédéric III de Habsbourg (« La terre entière est sujette de l’Autriche »), la pièce souffre toutefois de l’absence de réel centre de gravité, donnant l’impression de s’éparpiller en artifices techniques.


Sous-titré « concertino pour mezzo‑soprano et orchestre de chambre », Cavernes et Soleils d’Eric Montalbetti (né en 1968) s’appuie sur des poèmes d’Andrée Chedid. Bien que de durée inégale (la dernière dure autant sinon plus que les deux précédentes réunies), ces trois mélodies partagent le même usage de l’orchestre : un flux ininterrompu et miroitant (vibraphone, célesta), une matière fluide de l’intérieur mais assez compacte de l’extérieure en ceci que les aérations y sont rares, les silences absents. Les guirlandes de vent enlacent la voix (« Visage I ») avant les sonorités de percussions liquides de la coda (« Visage II »), en accord avec le dernier vers : « Je n’irai plus à sec sur l’enveloppe du temps ». Dommage que Marianne Crebassa, forfait pour raisons de santé, n’ait pu en assurer la création, sa remplaçante souffrant d’un déficit rédhibitoire de projection. Il est vrai qu’on a connu Matthias Pintscher davantage soucieux des chanteurs...


Difficile de se montrer plus accommodant avec N 37° 58’ 21.108 E 23° 43’ 23.27 Athens d’Irini Amargianaki (née en 1980). La signification du titre une fois élucidée (les coordonnées GPS d’un quartier d’Athènes), on peine à trouver grand intérêt à ces treize minutes de véhémence que ponctue le battement discontinue de la grosse caisse. Placés à l’avant‑gauche de la scène, Emmanuelle Ophèle (flûte basse), Emmanuel Pahud (flûte et piccolo) et Sophie Cherrier (flûte) se battent avec une écriture bruitiste, où les meuglements du trombone à coulisse le disputent en décibels aux crissements des cordes.


Comme son titre l’indique, ... un temps de silence... (2017) donne à percevoir différents types de silences. La virtuosité exigée du soliste, « d’une difficulté proprement diabolique », a été conçue sur mesure pour les capacités hors normes d’Emmanuel Pahud, tour à tour fulgurant et introspectif. Se gardant bien de réduire l’orchestre au rôle de simple d’accompagnateur (« il possède son autonomie »), Michael Jarrell (né en 1958) varie à plaisir les courses-poursuites, les échanges, les superpositions et les symbioses – autant de prétextes à un travail d’orfèvrerie au niveau du timbre. Emmanuel Pahud sidère par la ductilité de sa colonne d’air, la vitesse mercurielle de son articulation et sa haute précision rythmique. Les musiciens de l’Ensemble intercontemporain lui donnent la réplique dans ce qui s’impose sans conteste comme le clou d’un concert fort inégal.



Jérémie Bigorie

 

 

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