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Tout en sobriété

Angers
Grand-Théâtre
04/28/2022 -  et 30 avril (Angers), 15, 17, 18, 20, 21 mai (Nantes), 8, 10, 12, 14, 16 juin (Rennes) 2022
Giacomo Puccini : Madama Butterfly
Anne‑Sophie Duprels*/Karah Son (Cio‑Cio‑San), Manuela Custer (Suzuki), Sophie Belloir (Kate Pinkerton), Sébastien Guèze*/Angelo Villari (B. F. Pinkerton), Marc Scoffoni (Sharpless), Gregory Bonfatti (Goro), Jiwon Song (Yamadori), Ugo Rabec (Il bonzo)
Chœur d’Angers Nantes Opéra, Xavier Ribes (chef de chœur), Orchestre national des Pays de la Loire, Rudolf Piehlmayer*/Pascal Rophé (direction musicale)
Fabio Ceresa (mise en scène), Tiziano Santi (décors), Fiammetta Baldiserri (lumières), Tommaso Lagattolla (costumes)


(© Delphine Perrin)


Reportée en 2020 pour cause de pandémie, la Madame Butterfly imaginée par Fabio Ceresa est enfin reprise à Angers, Nantes, puis Rennes, avec pas moins de douze dates (dont une retransmission en simultané sur plusieurs grands écrans en Pays de la Loire et en Bretagne, le 16 juin). C’est là l’occasion de découvrir le travail tout en sobriété du metteur en scène italien, déjà présenté à Florence en 2015, qui concentre l’attention sur les protagonistes par son minimum d’effets visuels. Les décors et costumes d’époque, consensuels mais sans ostentation, nous plongent en un Japon fantasmé par les Européens au début du siècle dernier : tout au long du spectacle, Ceresa joue sur l’opposition entre la jetée en arrière‑scène, porteuse d’espoir, et l’agencement des panneaux coulissants de l’espace intérieur, de plus en plus restreints, à l’instar de l’horizon réduit de l’héroïne. Si on peut regretter l’absence complète d’éléments de décor, conduisant les chanteurs à s’étendre sur le sol à plusieurs reprises (y compris le Consul invité à boire le thé), on s’habitue peu à peu à ce parti pris minimaliste, magnifié autant par les éclairages, que la présence fantomatique et inquiétante de Suzuki. C’est bien vu de confier à la servante de Butterfly un rôle plus conséquent au I, annonciateur du drame à venir par son aura sinistre.


Anne‑Sophie Duprels donne à son incarnation du rôle‑titre une vérité dramatique ardente dès ses premières interventions, refusant toute fragilité ou naïveté. Cette conception donne à son personnage une force de caractère peu commune, notamment lors de ses joutes avec le Consul ou Goro, bien éloigné de l’apathie ou de la folie parfois suggérées au fur et à mesure de l’avancée du mélodrame. Bien projetée, la voix en pleine puissance s’embarrasse d’un léger vibrato, heureusement plus discret dans les parties apaisées. La chanteuse française, qui a souvent chanté ce rôle depuis le début de sa carrière (dont Tours en 2015), le partage ici en alternance avec Karah Son, de même qu’Angelo Villari et Sébastien Guèze pour Pinkerton. On est heureux de retrouver le ténor français en un répertoire qui lui convient parfaitement, à l’instar de ses nombreuses incarnations de Rodolfo dans La Bohème (voir notamment à Genève en 2016) : légèrement assombri avec les années, son beau timbre garde un velouté et une souplesse d’articulation précieuse pour la diction. Seuls les changements de registre dans le suraigu laissent entendre une émission resserrée, le tout autour d’une puissance limitée, mais parfaitement en adéquation avec la jauge idéale du Grand‑Théâtre d’Angers (environ 700 places), à l’excellente acoustique.


On retrouve à ses côtés l’un de ses anciens camarades de promotion du Conservatoire de Paris (voir ici), en la personne de Marc Scoffoni (Sharpless) : la complicité entre les deux chanteurs nourrit la première partie d’ouvrage, et ce d’autant plus que Scoffoni impressionne par son autorité naturelle, portée par une voix solide dans les graves. On aime aussi grandement la superlative Suzuki de Manuela Custer, à la dignité bouleversante – le tout magnifié par des phrasés millimétrés de justesse. Outre l’impeccable Gregory Bonfatti, qui donne à son Goro le mélange de fourberie et de ridicule attendus, les seconds rôles emportent l’adhésion, à l’instar d’un Chœur d’Angers Nantes Opéra engagé. Il faut dire que toute cette équipe bénéficie du geste splendide d’équilibre et de finesse de Rudolf Piehlmayer, bien connu en Bretagne et Pays de la Loire (voir notamment Lohengrin en 2015 et Norma en en 2018 à Rennes), qui n’a pas son pareil pour alléger les textures et faire ressortir les oppositions entre pupitres, le tout au service de la vision dramatique d’ensemble. On souhaite retrouver très vite dans nos contrées ce grand chef de théâtre, artisan décisif d’une soirée réussie, à juste titre fêtée par un chaleureux public angevin.



Florent Coudeyrat

 

 

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