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Esa‑Pekka Salonen maître du temps, de la forme et des sons

Paris
Philharmonie
04/13/2022 -  et 14 avril 2022
Esa‑Pekka Salonen : Karawane
Maurice Ravel : Daphnis et Chloé

Chœur de chambre de l’Orchestre de Paris, Académie du Chœur de l’Orchestre de Paris, Ingrid Roose (cheffe de chœur), Chœur de l’Orchestre de Paris, Marc Korovitch (chef de chœur), Orchestre de Paris, Esa‑Pekka Salonen (direction)


E.-P. Salonen (© Aline Paley)


Un chef qui compose  ? Un compositeur qui dirige ? Dans l’esprit du public, sans doute Esa‑Pekka Salonen est‑il d’abord un chef. Mais il est aussi un authentique compositeur, comme le confirme la création française de Karawane, commande de la Tonhalle de Zurich, de la Radio suédoise et de la Philharmonie de New York. Une œuvre pour chœur mixte et orchestre, sur un poème du dadaïste Hugo Ball, figure fondatrice du mouvement qui vit le jour, justement à Zurich. Fondé sur la seule musique des phonèmes, le texte défie tout sens. Rien d’étonnant si se déclinent toutes les possibilités de la voix, entre murmure, parole, vocalise et chant. La musique joue avant tout sur les rythmes et les timbres, avec des chatoiements ou des déflagrations – on pense, entre autres, tantôt aux impressionnistes français tantôt à Stravinski, que rappelle aussi l’écriture chorale. Et Salonen, on ne s’en étonnera pas, joue en virtuose des possibilités de l’orchestre, d’un lyrisme chaleureux ou d’une violence primitive, parfaitement maître du temps musical : en deux parties et de structure cyclique, l’œuvre dure une demi‑heure et s’arrête à l’instant où elle pourrait paraître longue. Une fin qui est un grand et implacable crescendo... auquel fera écho la Danse générale de Daphnis et Chloé. Trouverait‑on meilleur interprète que le Finlandais lui‑même ? L’Orchestre de Paris ne brille pas moins, alors que le double chœur, incluant l’Académie du Chœur de l’Orchestre de Paris, peine parfois un peu du côté des sopranos, dont l’aigu se trouve dangereusement mis à l’épreuve.


Du ballet ravélien, Salonen offre une lecture aussi virtuose, le Chœur de l’Orchestre de Paris trouvant ici ses marques, notamment lorsqu’il chante a cappella. Le chef est là tout entier, avec cette pâte sonore à la fois sensuelle et fluide qui le caractérise, son éventail dynamique quasi infini, ces couleurs si raffinées – magiques et mystérieux sont le Nocturne à la fin de la première partie ou le célèbre Lever du jour inaugurant la troisième. On n’admire pas moins son sens du rythme, dans une Danse suppliante de Chloé subtilement chaloupée, dans la Danse guerrière ou, à la fin, une bacchanale éruptive mais implacablement pulsée là où beaucoup se laissent emporter par l’ivresse dionysiaque. Et surtout, la direction révèle, ici encore, une maîtrise parfaite de la forme et du temps musical, grâce à un art des transitions qui évite la fragmentation de l’œuvre en une succession d’épisodes. Pour autant, l’approche reste plus musicale que narrative, c’est bien une symphonie chorégraphique qui s’entend ici. Certains, du coup, pourraient souhaiter plus grotesque la Danse de Dorcon, plus suppliante celle de Chloé. Ils n’en sont pas moins éblouis, fascinés par cette magie émanant d’un orchestre galvanisé, en état de grâce – les solos sont d’une absolue beauté.



Didier van Moere

 

 

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