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Opinion Paris Palais Garnier 03/15/2022 - et 17, 19, 20, 22, 25, 27, 28, 31 mars, 1er, 2, 3 avril 2022
Uprising Hofesh Shechter (chorégraphie, musique), Vex’d (musique additionnelle)
Lee Curran (lumières)
In your rooms
Hofesh Shechter (chorégraphie, musique), Nell Catchpole (collaboration musicale)
Lee Curran (lumières), Elizabeth Barker (costumes)
Corps de ballet de l’Opéra national de Paris
Uprising (© Julien Benhamou/Opéra national de Paris)
Deux pièces du chorégraphe israélien vedette Hofesh Shechter entrent au répertoire du Ballet de l’Opéra national de Paris. Est-ce bien la vocation de cette compagnie de développer à ce point le répertoire contemporain ?
L’Opéra de Paris comprend, pour constituer et alimenter son corps de ballet et par le système de promotion qu’il entretient ses danseurs sujets, premiers, étoiles, une école de danse que, dit‑on, le monde entier nous envie. Depuis une vingtaine d’années, le Ballet s’est ouvert progressivement à d’autres styles que la danse classique et romantique qui est la base de son répertoire. Pour le plus grand bien, les chorégraphes néoclassiques y ont fait leur apparition, la danse la plus contemporaine a suivi timidement. Aujourd’hui, on confie aux danseurs des pièces comme les deux créations d’Hofesh Shechter, chorégraphe israélien issu de la Batsheva Dance Company de Tel Aviv, qui sont aussi éloignées que possible de la formation qu’ils ont reçue. En 2019, la même expérience avait été tentée par la directrice de la danse, Aurélie Dupont, en leur faisant danser The Art of Not Looking Back.
La question se pose toujours de savoir si cette diversité ne nuit pas à leur spécificité, aux styles de danse pour lesquels ils ont été formés ? Non que l’on ne souhaite voir ce répertoire dansé à l’Opéra de Paris ! Quoi qu’il programme, les soirées de danse sont toujours complètes et renflouent les caisses de la maison quand l’opéra n’y suffit pas. Mais des compagnies externes sont souvent invitées et Paris ne manque pas de lieux dédiés à la danse contemporaine. Faudra‑t‑il un jour faire deux écoles comme il y a deux orchestres dans la maison ? Tant de questions d’opinion purement personnelle que l’on se pose en assistant à une soirée certes très forte en énergie, mais un programme de 60 minutes dont la moitié est dansée sur de la musique enregistrée, aux prix très généreusement parisiens, est‑ce bien raisonnable ?
In your rooms (© Julien Benhamou/Opéra national de Paris)
Ce qui est sûr, c’est que ce chorégraphe israélien réputé pour ses productions sur des musiques à des niveaux sonores toujours très élevés – ici le personnel d’accueil distribuait aux spectateurs de l’orchestre des bouchons d’oreilles – draine toujours un public très enthousiaste, prompt à applaudir et clamer même à l’annonce d’un « rideau » pour accident technique. Les danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris se tirent fort bien de ces chorégraphies virtuoses, très violentes, mobilisant beaucoup d’énergie individuelle et collective, qui grâce à des éclairages savants peuvent parfois réaliser de fort beaux tableaux. S’en tirent‑ils mieux que les danseurs israéliens formés à la technique brutale et violente d’Hofesh Shechter ? Quand ils se frottaient à William Forsythe, qui a souvent réalisé des chorégraphies pour eux (sur pointes, précisons‑le, car on est dans un autre domaine), ils pouvaient rivaliser avec des danseurs de compagnies européennes ou américaines spécialistes de ce répertoire. On n’est pas sûr, mais encore une fois c’est une interrogation et une opinion toutes personnelles, qu’Uprising (Londres, 2006), sur une musique électronique du chorégraphe par Vex’d, et In your rooms (Londres, 2007), qui accuse bien son âge avec des procédés scéniques datés (pancartes, messages projetés), fassent beaucoup d’usage au répertoire de la maison. Seule la musique de cette dernière pièce, signée par le chorégraphe, superbement jouée à l’arrière de la scène par un ensemble de cordes et de percussions, nous a semblé ne pas trop dater avec ses aspects de raga indien mâtiné de musique symphonique. On répète que les danseurs impliqués dans cette aventure n’ont pas démérité ni ménagé leur énergie. L’ensemble a remporté un succès qui nous a paru mérité.
Olivier Brunel
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