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La magicienne qui nous enchante

Lausanne
Opéra
03/06/2022 -  et 9, 11, 13 mars 2022
Georg Friedrich Haendel : Alcina, HWV 34
Lenneke Ruiten (Alcina), Franco Fagioli (Ruggiero), Marie Lys (Morgana), Marina Viotti (Bradamante), Juan Sancho (Oronte), Guilhem Worms (Melisso), Ludmila Schwartzwalder (Oberto)
Chœur de l’Opéra de Lausanne, Orchestre de Chambre de Lausanne, Diego Fasolis (direction musicale)
Stefano Poda (mise en scène, décors, costumes, lumières et chorégraphie), Paolo Giani Cei (assistant)


(© Jean-Guy Python)


Une sphère géante descend des cintres, pivote sur elle-même et laisse entrevoir le palais et l’alcôve d’Alcina. La magicienne qui attire les chevaliers dans son île enchantée avant de les transformer en bêtes sauvages, est vêtue d’une immense robe blanche à panier et tient dans sa main un globe argenté. Sa sœur Morgana, qui porte exactement la même robe, mais en noir, est en quelque sorte son double. Un troisième personnage dévoile une autre facette de l’héroïne : une femme plus âgée, aux cheveux blancs et aux mouvements très lents. Cette nouvelle production spectaculaire d’Alcina à l’Opéra de Lausanne, aux images à l’esthétique particulièrement saisissante, porte la griffe de Stefano Poda. Le metteur en scène italien, qui a aussi pour habitude de s’occuper des décors, des costumes et des lumières de tous ses spectacles, signe sa 5e réalisation lausannoise et surprend encore une fois. L’île‑royaume de la magicienne est enveloppée dans de magnifiques lumières sombres ; elle est peuplée de toutes sortes de créatures : des hommes aux costumes gris difficiles à distinguer les uns des autres, mais aussi des arbres et des animaux, qu’il s’agisse de paons ou de panthères. Des cœurs sont même exposés dans des cages métalliques. Tout est froid et triste. Dans le palais, c’est la même tristesse qui prévaut : sur son lit, Alcina assouvit sa soif de chair avec un défilé d’hommes à sa disposition, presque des esclaves sexuels, mais demeure toujours insatisfaite. Quant à Morgana, par ses grimaces et la langue qu’elle tire sans cesse, elle fait penser à un serpent, voire à un vampire. Et d’ailleurs, tous les protagonistes ont des gestes et des poses exagérés et outranciers.


La beauté du dispositif scénique est rehaussée par la direction musicale enflammée et dynamique de Diego Fasolis, qui cisèle la partition de Haendel en orfèvre tout en adoptant des tempi plutôt rapides. L’Orchestre de Chambre de Lausanne est confondant de précision et d’homogénéité, n’ayant rien à envier aux meilleures formations baroques. Une mention spéciale est à décerner au premier violon (François Sochard). Dans le rôle‑titre, Lenneke Ruiten met du temps à chauffer sa voix mais finit par composer une superbe magicienne, touchante dans sa fragilité et sa solitude, malgré son port de reine. Franco Fagioli est un Ruggiero d’abord totalement sous l’emprise d’Alcina, presque un pantin, avant de parvenir à rompre le pouvoir maléfique auquel il est soumis. Vocalement, ses interventions sont de véritables feux d’artifice, avec une technique hors pair, des vocalises époustouflantes, des aigus stratosphériques et même des graves consistants. Marie Lys incarne une Morgana survoltée et séductrice en diable. Vocalement, on admire son superbe legato et son timbre lumineux. Souffrante lors de la générale, Marina Viotti semble rétablie le soir de la première mais campe une Bradamante un peu en retrait ; heureusement, sa voix veloutée et sensuelle a retrouvé tous ses attraits. Parmi les rôles secondaires, il convient de signaler l’Oronte expressif et engagé de Juan Sancho. Au rideau final, le public s’est levé pour faire un triomphe à cette spectaculaire production d’Alcina.



Claudio Poloni

 

 

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