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Mozart au fil de l’archet

Strasbourg
Palais de la Musique
02/24/2022 -  et 25 février 2022
Wolfgang Amadeus Mozart : Concertos pour violon n° 1 en si bémol majeur, K. 207, n° 2 en ré majeur, K. 211, n° 3 en sol majeur, K. 216, n° 4 en ré majeur, K. 218 et n° 5 en la majeur, K. 219
Orchestre philharmonique de Strasbourg, David Grimal (violon et direction)


D. Grimal (© Grégory Massat)


Un marathon ? Plus de deux heures de violon concertant en continu, il est difficile d’appeler cela autrement. On enchaîne rarement tous les Concertos pour violon de Mozart à la file, la plupart de nos rares souvenirs de ce genre de performance se limitant à un étalement sur deux soirées, avec une Symphonie concertante pour violon et alto K. 364 appelée en renfort. Là David Grimal pousse l’empiffrement mozartien un peu loin : dix mouvements rapides, cinq mouvements lents... et même si cette écriture violonistique du jeune Mozart n’est pas techniquement très exigeante (encore que les deux derniers concertos incluent quand même leur lot de passages « casse‑bras ») il est difficile de ne pas fatiguer ici ou là, à l’exemple de ces « crises », physiques voire morales, à l’abord des derniers kilomètres, relatées par tout coureur de fond.


En crise, l’instrument joué, un Stradivarius, le paraît aussi, de plus en plus prompt à se désaccorder à mesure que la soirée avance. Peut‑être que même nous, auditeurs, éprouvons une certaine satiété, même si l’intérêt musical de ces concertos, classés dans l’ordre chronologique, augmente au fur et à mesure. Mais surtout on reste un peu désemparé devant une approche essentiellement imprévisible.


David Grimal revendique un certain esprit d’improvisation, qui cherche à ressentir la musique de Mozart dans l’instant, sans préméditation excessive, comme s’il fallait la réinventer. Mais c’est au risque non seulement de l’accident de parcours, de l’avarie d’intonation, mais aussi de « trous » bizarres qui apparaissent dans les phrases, voire d’enchaînements dont la logique échappe. Problème aussi avec les cadences, écrites spécialement pour David Grimal par Brice Pauset, compositeur au langage habituellement très contemporain, et qui ici n’ose pas vraiment la rupture stylistique, avec à la clé des interpolations juste un peu biscornues, qui là aussi perturbent davantage le flux qu’elles ne contribuent à son armature.


Une discontinuité qui s’avère moins gênante dans les deux premiers concertos, musiques de divertissement surtout fonctionnelles, que dans les trois derniers, d’un contenu musical plus conséquent. Aussi parce que là, on garde dans l’oreille le souvenir de beaucoup de violonistes de grande envergure : Francescatti, Grumiaux, Suk, Szeryng... certes plus conventionnels dans leur approche, mais dont le chant d’archet, plus vibré, plus lyrique, nous manque ici assez continuellement, sans que l’on trouve par ailleurs de vraies compensations d’inventivité, comme chez un Kremer par exemple. Un déficit qui nous paraît particulièrement crucial dans les mouvements lents des Troisième et Cinquième (notés Adagio, quand même : a priori pas des bluettes), qui émeuvent peu, s’écoulent tièdement. Davantage de panache dans les Rondos conclusifs, où on trouve souvent ce que la soirée peut proposer de plus roboratif.


Comme quand il interprète ces Concertos avec son ensemble Les Dissonances, David Grimal travaille avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg en effectif réduit, quinze cordes, deux cors, deux hautbois (ainsi que deux flûtes, pour le seul Adagio du Troisième Concerto). Et plutôt d’égal à égal que comme chef, beaucoup de fonctions étant en fait déléguées à Charlotte Juillard, le poste de Konzertmeister devenant continuellement stratégique. Joli hautbois de Sébastien Giot, cors très exposés, parfois sujets à l’accident de parcours : un Mozart qui peine un peu à s’élever, même si les recherches collectives de respiration sont intéressantes. De quoi passer au moins, somme toute, une agréable soirée.



Laurent Barthel

 

 

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