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Envers et contre la covid

Paris
Opéra Bastille
01/26/2022 -  et 30 janvier, 9, 12, 15*, 18 février 2022
Modeste Moussorgski : La Khovantchina
Dimitry Ivashchenko (Prince Ivan Khovanski), Sergei Skorokhodov (Prince Andrei Khovanski), John Daszak/Vasily Efimov* (Prince Vassili Golitsine), Evgenyi Nikitin (Chakloviti), Dmitry Belosselskiy (Dosifei), Yulia Matochkina*/Anita Rachvelishvili (Marfa), Carole Wilson (Susanna), Gerhard Siegel (Le Clerc), Anush Hovhannisyan (Emma), Wojtek Smilek (Varsonofiev), Vasily Efimov (Kouzka), Tomasz Kumiega (Strechniev), Volodymyr Tyshkov, (Premier Strelets), Alexander Milev (Second Strelets), Fernando Velásquez (Un confident de Golitsine)
Chœur de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Ching-Lien Wu (cheffe des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Harmut Haenchen (direction musicale)
Andrei Serban (mise en scène), Richard Hudson (décors, costumes), Yves Bernard (lumières), Laurence Fanon (chorégraphie)


(© Guergana Damianova/Opéra national de Paris)


Deux représentations annulées : La Khovantchina n’a pas été épargnée par la covid. Et l’avant-dernière n’a pas échappé à des changements de distribution : on n’a pas vu la Marfa d’Anita Rachvelishvili ; John Daszak a joué le prince Golitsine mais c’est Vasily Efimov qui a chanté à l’avant-scène, faisant le grand écart avec Kouzka. Yulia Matochkina, superbe voix de mezzo grave d’une profondeur abyssale, a émis les prophéties de la devineresse et les plaintes de la femme trompée avec une telle noblesse dans le phrasé, une telle intensité dans l’interprétation, qu’on n’a pas regretté la Géorgienne. Et Vasily Efimov a incarné le prince, ancien amant de la tsarine, symbole d’une Russie fascinée par l’Europe. Le reste de la distribution se situe à la même hauteur et compose un plateau qui rend toute justice à la musique – on eût aimé que Les Noces de Figaro ou Manon procurent les mêmes plaisirs.


Ainsi, Dmitry Belosselskiy campe un Dossifei de grande stature, belle basse à la ligne châtiée, qu’on aurait peut-être souhaité un rien plus illuminée à la fin, lorsqu’il conduit les vieux-croyants sur le bûcher rédempteur. En face de lui, le Khovanski plein de morgue de Dimitry Ivashchenko, timbre mordant et style exemplaire, père du très sonore mais bien tenu Andrei de Sergei Skorokhodov, dont la voix sans séduction sied bien, finalement, au personnage. En grande forme, Evgenyi Nikitin sait à la fois montrer le cynisme odieux du délateur, face au scribe ténor de caractère de Gerhard Siegel au premier acte, et pleurer, au troisième, sur les malheurs de la Russie dans un lamento chanté comme un lied. Les rôles secondaires, jusqu’aux plus petits, sont parfaitement distribués – reprochera-t-on à la fanatique Susanna de Carole Wilson d’éructer son fanatisme d’une voix stridente ?


Alors que l’œuvre est restée inachevée, on ne choisit plus guère aujourd’hui la version de Rimski-Korsakov, très peu fidèle à Moussorgski. On lui préfère celle de Chostakovitch, créée en 1960. Elle sonne parfois plus comme du Chostakovitch que comme du Moussorgski, mais elle est puissante, à l’image de ses fresques orchestrales. Et Harmut Haenchen, excellent chef de fosse et d’estrade, la dirige magnifiquement, très attentif aux couleurs de la partition telle que la recrée le compositeur de Lady Macbeth de Mzensk, parvenant à maintenir une tension pendant plus de trois heures dans un opéra parfois très statique. Véritable personnage, comme dans Boris Godounov, le chœur chante vaillamment malgré le masque... et les aigus assez erratiques des sopranos.


Voilà donc une reprise de haut vol. Certes la production d’Andrei Serban, connue depuis 2001, n’apporte pas grand-chose, sinon une littéralité bienvenue pour qui découvre cette Khovantchina et s’interrogera peut-être à travers elle, sur la Russie d’aujourd’hui. Décors et costumes colorés, ensembles spectaculaires, le metteur en scène roumain place sa Khovantchina sous le signe de l’esthétique du grand opéra, se contentant d’une direction d’acteurs assez convenue. On a connu lectures plus inventives et plus tendues, mais celle-ci, peut-être à cause de ses limites et de sa modestie mêmes, se laisse regarder – il n’est pas sûr qu’elle tienne aussi bien la route avec une distribution moyenne. On regrettera seulement les gestes d’automate qui, alors qu’elle devrait nous prendre à la gorge, ridiculisent un moment l’apocalypse finale, avant que des cendres de l’ancienne Russie surgisse le petit tsarévitch... futur Pierre le Grand : tout un symbole.



Didier van Moere

 

 

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