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Manon Baker

Paris
Opéra Bastille
02/05/2022 -  et 11*, 14, 17, 20, 23, 26 février 2022
Jules Massenet : Manon
Aylin Pérez (Manon), Roberto Alagna/Atalla Ayan*/Benjamin Bernheim (Le chevalier Des Grieux), Andrzej Filonczyk (Lescaut), Andrea Cueva Molnar (Poussette), Ilanah Lobel‑Torres (Javotte), Jeanne Ireland (Rosette), Jean Teitgen (Le comte Des Grieux), Rodolphe Briand (Guillot de Morfontaine), Pierre Doyen/Marc Labonnette* (Brétigny), Philippe Rouillon (L’hôtelier), Julien Joguet, Laurent Laberdesque (Deux gardes)
Chœur de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra national de Paris, James Gaffigan (direction musicale)
Vincent Huguet (mise en scène), Aurélie Maestre (décors), Clémence Pernoud (costumes), Bertrand Couderc (lumières), Jean‑François Kessler (chorégraphie), Louis Geisler (dramaturgie)


A. Pérez, A. Ayan (© Emilie Brouchon/Opéra national de Paris)


La production fut déjà victime de la covid en mars 2020. Deux ans après, le virus contraint à l’annulation de la générale et de la première, ainsi qu’à des permutations dans le cast. Mais on a fini par revoir cette Manon, qui laisse toujours aussi perplexe. Que Vincent Huguet la situe au milieu des années 1920 ne dérange personne, ni que Des Grieux devienne un militaire démobilisé, ni que, soyons bon prince, Manon, jusque‑là entre Gigi et Lulu, soit à la fin emmenée par des soldats. On y côtoie une société interlope où tout est sexuellement permis, dansant fox‑trot et charleston, où l’on s’encanaille avec les garçonnes au music‑hall – ainsi paraît Manon à l’hôtel de Transylvanie. Un clone de Joséphine Baker, plus mûr et plus en chair, fait une entrée remarquée au début, idole à laquelle elle rêve de s’identifier, puis figure ambiguë, à la fois protectrice et tentatrice. Une chanson de Joséphine sera même insérée entre les deux premiers actes : une incongruité, tant elle s’accorde mal à la musique de Massenet. Mais ce n’est pas là que le bât blesse le plus : la production manque de rythme, la direction d’acteurs reste laborieusement convenue, le chœur semble parfois abandonné à lui‑même. Un peu perdu dans les décors monumentaux d’Aurélie Maestre alors qu’il faudrait la donner à Garnier, cette Manon Années folles, qui au premier acte frise la revue, n’est qu’un spectacle inabouti et ennuyeux – à l’exact opposé de ce qu’elle promettait.


La musique se trouve mieux servie. Non que James Gaffigan montre des affinités avec la musique de Massenet, dont il ignore la sensualité et les raffinements. Veut‑il la décaper, l’arracher à une certaine tradition, quitte à l’assécher, voire à la brutaliser ? Il est vrai que l’orchestre ne semble pas prendre la partition très à cœur – peut‑être préférerait‑il jouer La Khovantchina, affichée en alternance...


Ailyn Pérez chante Manon d’une voix très timbrée, un peu métallique, aux aigus tirés, mais remarquablement conduite, avec des pianissimi superbes. Elle n’insulte pas la langue française, notamment dans un « Adieu notre petite table » de belle tenue – médium et graves, en revanche, se dérobent pour « A nous les amours et les roses ». Lui échappent seulement la fraîcheur, la séduction, le mystère de la petite Lescaut. Atalla Ayan n’est pas moins stylé, assez corsé de timbre lui aussi, émission très couverte. Il ne se montre pas moins capable de jolies nuances, au moment du rêve par exemple, accusant néanmoins quelques tensions du côté de l’aigu à Saint‑Sulpice ou à l’hôtel de Transylvanie. Un Des Grieux solide, sans la jeunesse enfiévrée du chevalier, qui, comme sa Manon, ne s’accommode pas si mal de la prosodie française. Mais ce couple semble trop mûr et l’on n’y croit pas vraiment. Andrzej Filonczyk déploie en Lescaut une belle voix de baryton, à la ligne élégante, gêné malgré tout lorsque le débit doit s’accélérer, trop réservé surtout, pas assez canaille pour le forban qu’est le cousin. L’école française s’illustre dans les rôles secondaires : Guillot de Rodolphe Briand, Brétigny de Marc Labonnette, Hôtelier de Philippe Rouillon, Comte de Jean Teitgen surtout, d’une grande noblesse, modèle de tenue et de style, plus orthodoxe que les trois protagonistes.


Rien d’autre qu’une soirée de répertoire. Mais vu les circonstances...



Didier van Moere

 

 

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