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Du grand Michieletto

Berlin
Komische Oper
01/23/2022 -  et 29 janvier, 6*, 12, 25 février, 6 mars, 3, 7 juillet 2022
Christoph Willibald Gluck : Orfeo ed Euridice
Carlo Vistoli (Orfeo), Nadja Mchantaf (Euridice), Josefine Mindus (Amore), Martina Borroni, Claudia Greco, Ana Dordevic (danseuses)
Vocalconsort Berlin, David Cavelius (chef de chœur), Orchester der Komischen Oper Berlin, David Bates (direction musicale)
Damiano Michieletto (mise en scène), Paolo Fantin (scénographie), Klaus Bruns (costumes), Alessandro Carletti (lumières), Thomas Wilhelm (chorégraphie), Simon Berger (dramaturgie)


(© Iko Freese/drama-berlin.de)


Fêtées partout ailleurs en Europe, les mises scène de Damiano Michieletto (né en 1975) restent beaucoup trop rares en France, probablement en raison de ses deux dernières productions parisiennes ratées, Samson et Dalila en 2016 et Don Pasquale en 2018. Plus réussi, son Barbier de Séville sera repris à Garnier en juin prochain, après avoir été présenté en 2014. Une initiative louable, tant on se souvient de la capacité de l’Italien à revisiter les ouvrages dans leur déroulé dramatique, sans pour autant les brusquer d’une radicalité visuelle, ce qui nous avait valu l’un des plus beaux spectacles vus à Francfort, avec Le Son lointain, de Schreker en 2019.


La nouvelle production d’Orfeo ed Euridice (1762) de Gluck (1714-1787), donnée dans la version de Vienne en italien, avec l’ajout du ballet parisien plus tardif, est un coup de cœur tout aussi fort. Difficile à monter du fait d’une action trop statique (hormis l’affrontement spectaculaire avec les Furies), l’ouvrage reste marqué par la production intemporelle, merveille de poésie, réalisée par Pina Bausch à Paris et plusieurs fois reprise, notamment en 2018. Damiano Michieletto choisit un parti pris radicalement différent en mettant au centre de l’action le chemin de douleur d’Orphée, qui semble condamné à revivre éternellement la perte d’Eurydice, après son inattendu suicide : c’est là une idée force de la mise en scène que de montrer ce geste fatal à plusieurs reprises dans l’action, alors qu’Orphée est interné dans une maison de repos. La scénographie impressionne tout du long par son éloquente sobriété, où la froide et impersonnelle blancheur des murs est habilement revisitée par le jeu sur les volumes. La scène des Enfers est certainement la plus réussie, tant le décor se rétrécit en emboîtant plusieurs cadres, offrant autant un écrin acoustique bienvenu de résonance qu’un huis clos étouffant dans le corps‑à‑corps avec les furies. La folie d’Orphée est suggérée par les dernières scènes de ballet où sa promise se démultiplie sous ses yeux en quatre doubles dévitalisés, tandis que l’Amour transformée en maître des illusions se moque une dernière fois de la naïveté du héros malheureux.


Face à cette merveille d’intelligence parfaitement réglée au niveau visuel, la direction étourdissante de David Bates nous emporte dès l’Ouverture, aux attaques sèches. Même si le chœur initial fuit trop l’émotion, du fait d’un geste volontairement vif, l’élan aérien donne une modernité bienvenue à l’ensemble, tout en marquant ostensiblement les transitions entre les scènes, par des silences opportuns. Toute la finesse de l’écriture épurée de Gluck, toujours au service de l’action dramatique, ressort admirablement ici. Il faut dire que le plateau vocal réuni n’est pas pour rien dans la réussite de la soirée. Ainsi de Carlo Vistoli qui campe un Orphée des plus touchants, admirable sur le plan technique, et ce malgré un suraigu au fort vibrato, au début. A ses côtés, Nadja Mchantaf (Eurydice) n’est pas en reste dans la musicalité, au velouté parfaitement projetée, tandis que Josefine Mindus (Amour) assure bien son court rôle, par sa rondeur d’émission et sa prestance naturelle. Mais c’est peut‑être plus encore la qualité superlative du chœur Vocalconsort Berlin, fondé en 2003, qui donne beaucoup d’impact à ses interventions, tout en faisant entendre chaque individualité. Un grand spectacle à voir ou à revoir jusqu’au 7 juillet prochain, dans le cadre toujours aussi chaleureux du Komische Oper de Berlin.



Florent Coudeyrat

 

 

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