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Le cas Arditti

Paris
Cité de la musique
01/15/2022 -  
Philippe Manoury : Quatuors à cordes n° 1 « Stringendo » et n° 3 « Melencolia »
Clara Olivares : Spatiphyllum’s Supreme Silence

Quatuor Arditti : Irvine Arditti, Ashot Sarkissjan (violons), Ralf Ehlers (alto), Lucas Fels (violoncelle)


L. Fels, I. Arditti, R. Ehlers, A. Sarkissjan (© Lukas Beck)


Le premier concert, si l’on excepte le concert en famille du 12 janvier, de la Biennale de quatuors à cordes 2022, heureusement maintenue nonobstant la crise sanitaire, tourne autour de l’œuvre de Philippe Manoury, à l’honneur cette année où l’on doit célébrer, en juin, son soixante-dixième anniversaire. Le compositeur, l’un des plus brillants de sa génération, a touché un peu à tous les genres et, comme Pascal Dusapin, est désormais entré dans le club assez fermé des grands producteurs de quatuors à cordes tant du point de vue quantitatif que qualitatif. Il y a d’ailleurs fort à parier qu’il n’en restera pas à quatre, quatre si l’on ne tient pas compte du premier essai de 1978, renié par son auteur, et de son travail de réécriture du quatrième mouvement du Livre pour quatuor à cordes de Pierre Boulez, partition qui avait défrayé la chronique en 2017 en raison de son vol dans un train.


Comme la Biennale célèbre cette année Manoury – un compositeur contemporain étant honoré à chaque session –, il était naturel de faire appel une nouvelle fois au Quatuor Arditti, créateur de ses Premier et Troisième Quatuors. C’est d’ailleurs par le Premier Quatuor (2010) que le concert débute. Cette première œuvre, d’une quinzaine de minutes, est à coup sûr un coup de maître. Les thèmes apparaissent puis disparaissent dans un fouillis apparent et d’une réelle complexité mais qui se simplifie au fur et à mesure de l’écoute. Les pizzicatos confiés au premier violon et à l’alto animent l’œuvre et fonctionnent un peu comme des métronomes aux rythmes différents. On les retrouve à la fin, cette fois confiés d’abord aux deux violons puis à tous les instruments, dans une phase d’une superbe intensité où les archets se lancent sur les cordes comme dans une véritable course, assez hypnotisante. Les Arditti surmontent évidemment toutes les difficultés de la partition. On ne peut que louer leur engagement et on admire notamment leur parfaite coordination. Mais l’exécution pâtît, comme trop souvent chez eux, au moins au concert, d’un manque de fini regrettable.


C’est encore plus vrai pour le Troisième Quatuor (2012), presque trois fois plus long que le Premier et inspiré de la célèbre gravure (1517) d’Albrecht Dürer tout en étant dédié au compositeur portugais Emmanuel Nunes (1941-2012). Le début laisse une impression fâcheuse : on a encore affaire à des portes qui couinent. Elles couineront moins à la fin quand, après une course de vitesse vers l’abîme et des passages à l’unisson, on retrouvera le calme initial. Les choses s’améliorent au fur et à mesure mais trop peu pour laisser un bon souvenir. Il faut sans doute convenir que l’œuvre est redoutablement complexe, sans qu’il soit besoin d’évoquer ses références numérologiques qui passionnent peut-être les musicologues mais qui demeurent aussi peu intelligibles pour l’auditeur que celles de Berg. On y retrouve non seulement les pizzicatos qui avaient animé le Premier Quatuor mais les musiciens doivent aussi frapper une des batteries de trois crotales qui sont confiées à chacun, avec des maillets, quand ils peuvent, ou avec le bouton de leur archet, sonorités faisant vaguement penser au Mantra de Stockhausen, l’humour en moins. Beaucoup leur est demandé mais le manque de soin pose quand même problème.


Le Quatuor Arditti est un cas. Fondé en 1974, il a à son actif la création de plusieurs centaines de quatuors à cordes. C’est impressionnant. Son sérieux, son engagement en faveur de la musique contemporaine comme son étroit travail aux côtés des compositeurs méritent évidemment d’être salués. Il joue un rôle majeur, essentiel même, dans le renouvellement de l’écriture pour quatuor, forme musicale créée au dix-huitième siècle et qui perdure en grande partie grâce aux Arditti. Ceux-ci sont ainsi systématiquement invités à la Biennale, peut-être au détriment d’autres ensembles. Mais son quasi-monopole alimenté par le fait qu’il crée tout, ou presque, et que les compositeurs de leur côté sont évidemment trop heureux de trouver preneurs de leur création laissent interrogatif. Il n’est pas sûr que les œuvres interprétées soient ainsi les mieux servies.


C’est non seulement le cas pour ce Troisième Quatuor mais aussi sans doute pour le quatuor Spatiphyllum’s Supreme Silence (2021) de la jeune compositrice franco-espagnole Clara Olivares (née en 1993) créé ce soir même si l’œuvre, aux développements organiques, animée par de lents glissandos, les instruments se passant le relais, n’a pas la puissance inventive des pièces de Manoury, tout en étant très prometteuse.


Le site du Quatuor Arditti



Stéphane Guy

 

 

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