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Freischütz à la mode Squid Game

München
Nationaltheater
11/26/2021 -  et 29 novembre, 2, 5 décembre 2021
Carl Maria von Weber: Der Freischütz, J. 277
Golda Schultz (Agathe), Anna Prohaska (Annchen), Pavel Cernoch (Max), Tomasz Konieczny (Kaspar, Samiel), Georg Zeppenfeld (L’ermite), Sean Michael Plumb (Ottokar), Bálint Szabó (Kuno), Milan Siljanov (Kilian)
Chor der Bayerischen Staatsoper, Stellario Fagone (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, Lothar Koenigs (direction musicale)
Dmitri Tcherniakov (mise en scène, vidéo, décors), Elena Zaytseva (costumes), Gleb Filshtinsky (lumières, vidéo)


Voici une production très caractéristique du style de Dmitri Tcherniakov : modernisation du propos, détournement de l’action présentée dans un contexte complétement différent et présence constante d’une certaine violence. Comme toujours avec le metteur en scène russe, la direction d’acteurs est très travaillée, certaines scènes sont brillantes lorsque le détournement de l’histoire fonctionne mais d’autres, au mieux, ne sont juste pas convaincantes.


Ce Freischütz se passe donc dans les temps modernes. Il n’y a pas de semi-conte de fées avec gentils, méchants, et présence des esprits et du diable... Max est un employé « ambitieux » nous dit-on, qui travaille dans l’entreprise de Kuno, méchant patron fumant le cigare. Même si sa fille a claqué la porte de la famille, il semble que Kuno cherche sa revanche en acceptant ce mariage à la condition que Max tire sur un passant dans la rue. Ajoutons à cela que même s’il s’agit d’une macabre farce, Max va sombrer dans la folie et réellement tuer...


Si la scène de la Gorge aux loups colle assez bien à cette réécriture avec un Kaspar déjanté à souhait, il faut hélas supporter pour étayer l’histoire une quantité de vidéos avec des gros plans sur les personnages et des dialogues d’une subtilité de romans photos. Les scènes entre Agathe et Annette n’ont pas grand sens et donnent l’impression de ne pas intéresser Tcherniakov. Le « concept » ne marche pas assez et l’impression dominante résulte plus des scènes incohérentes que de celles qui bénéficient de la réinvention.


Le niveau musical du plateau réuni est globalement de grande qualité. Les petits rôles, Bálint Szabó et Sean Michael Plumb, ont les formats de leurs personnages. La présence de Georg Zeppenfeld dans le petit rôle de l’Ermite (qui bien évidemment n’en n’est pas un ici) est un casting de luxe qu’il faut savoir apprécier. Voici un rôle qui, comme Don Fernando à la fin du Fidelio de Beethoven, a à chanter une partie brève mais simplement magique... Dans le rôle de Max, Pavel Cernoch n’était pas ce soir très à son aise. En revanche, à ses côtés, Tomasz Konieczny impressionne par la noirceur du timbre, la puissance du chant et la qualité du jeu. Les deux rôles féminins étaient de grande qualité : Weber n’a pas facilité la tâche des sopranos qui doivent chanter le rôle si difficile d’Annette mais si quelqu’un peut le faire, c’est bien Anna Prohaska. En Agathe, Golda Schultz sait merveilleusement phraser, sa ligne de chant et ses aigus pianissimo sont exemplaires et le résultat est très touchant. Au pupitre, Lothar Koenigs qui a souvent dirigé à Lyon (voir ici), trouve le dramatisme propre à l’œuvre. Il sera de retour dans la saison pour la reprise de Tristan et la nouvelle production de Capriccio lors du festival de juillet.


La situation sanitaire est à nouveau inquiétante. Cette représentation a été donnée dans une jauge remplie à 25 %. La traditionnel marché de Noël est annulé. Pour toutes les manifestations culturelles munichoises, il faut maintenant présenter en plus de son certificat de vaccination un test négatif de moins de 24 heures. Tout le monde regarde les statistiques mais sortir de cette situation demandera des efforts de tous et comme dans cet opéra, il n’existe pas de balle magique.



PS : Permettez-moi de mentionner un détail : l’opéra débute par une note unique jouée par les cordes doublées par les bois, un simple do, passant de pp à forte. Dans les années 1980, un de mes amis était venu diriger un orchestre français dans cette Ouverture. Il s’était étonné que les musiciens français ne sachent pas que les instruments modernes étant plus puissants que ceux de Weber, les bois doivent entrer avec un peu de retard pour ne pas couvrir les nuances pp des cordes, alors que les orchestres allemands sont familiers de ce genre de pratique. Les styles ont évolué. Si vous écoutez l’enregistrement d’Harnoncourt, les bois dominent sur cette première note tandis que les Kleiber, Kubelík, etc. font entrer ces instrument avec ce petit décalage. Les bois dominaient très nettement cette première note hier. S’agit-il d’une option du chef ou certaines traditions orchestrales allemandes commencent-elles à disparaître ?



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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