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Décharges d’énergie

Baden-Baden
Festspielhaus
11/07/2021 -  
Felix Mendelssohn : Symphonie n° 3 en la mineur « Ecossaise », opus 56
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 10 en mi mineur, opus 93

Berliner Philharmoniker, Kirill Petrenko (direction)


K. Petrenko (© Monika Rittershaus)


Comme déjà la veille au Festspielhaus de Baden-Baden, Kirill Petrenko se rend jusqu’au podium à petits pas pressés, démarche un peu particulière, légèrement dandinante, à laquelle on commence à s’habituer, maintenant que l’on voit le plus souvent Petrenko en concert, et non plus dans une fosse d’opéra. N’empêche, dès qu’on l’aperçoit, l’aspect de ce petit homme fascine toujours autant, à la fois modeste et pourtant animé d’une énergie intériorisée de tous les instants. Et ce soir, des décharges d’énergie, il va y en avoir beaucoup !


Aucun rapport entre les deux œuvres du programme, si ce n’est que ce sont toutes deux de belles pièces symphoniques, idéales pour mettre les Berliner Philharmoniker en valeur, et que dans les deux cas il s’agit aussi de musiques d’évocation : brumes des Highlands, châteaux ruinés et échos de cornemuse pour la Symphonie « Ecossaise » de Mendelssohn, ambiance de terreur lancinante et glacée pour la Dixième Symphonie de Chostakovitch, où passe et repasse l’ombre menaçante d’un camarade Staline récemment décédé. Cela dit, Petrenko n’est pas fondamentalement un créateur d’ambiances diversifiées, son art relevant plutôt de l’épure et d’une recherche opiniâtre de transparence et de précision : somme toute plus proche d’un Toscanini que d’un Karajan. On n’ira évidemment pas jusqu’à dire que son Mendelssohn ressemble à son Chostakovitch, mais assurément ces deux symphonies-là ont été scrutées de la même façon, ont subi la même investigation préalable de toutes les combinatoires sonores possibles avant d’opter pour des solutions minutieusement calibrées et dont on peut supposer qu’elles ne varieront plus beaucoup d’une exécution à l’autre.


Assurément un travail de perfectionniste, mais qui peut se trouver limité par l’état de l’instrument : ce soir un Philharmonique de Berlin qui peine un rien à trouver ses marques au début de la Symphonie « Ecossaise », avec des petites incertitudes dans le dessin et des zones laissées floues, un peu comme si, pour reprendre la métaphore du piano, le double échappement n’était pas tout à fait bien réglé. Mais ces flottements infimes disparaissent vite, puisque dès le deuxième mouvement, fourmillant de petits détails délicieux qui se télescopent à fière allure, tout redevient parfait. Très belle conduite de l’Adagio, Petrenko contrôlant au plus près les cordes berlinoises pour les empêcher de trop vibrer, l’atmosphère restant surtout méditative et sobre. Et pour finir, d’excellents compromis de tempo dans le dernier mouvement, la péroraison devant rester essentiellement hymnique, donc d’une certaine majesté, ce qui est pleinement le cas ici.


Mosaïque de climats, thèmes énigmatiques entrelacés, décharges de violence inattendues : la Dixième Symphonie de Chostakovitch est un monde à parcourir, alors autant que ce soit avec un guide qui en connaît les moindres recoins. Petrenko est non seulement un redoutable perfectionniste, ce qui s’entend très bien, mais de surcroît, quand le résultat ne correspond pas immédiatement à ses attentes, il peut corriger l’exécution en cours de route, faire passer par le geste et le regard les bons messages, ceux qui vont aider l’orchestre à corriger ce qui ne va pas. L’interaction est patente, et de fait, on a vraiment l’impression qu’aucun accident ne peut arriver, le mouvement le plus fascinant restant évidemment l’Allegro, où Petrenko stimule sa phalange d’élite jusqu’à l’incandescence d’une véritable course à l’abîme. On connaît bien l’effet ravageur que peut produire ce bref mouvement, n’empêche qu’ici, l’impact est d’une violence vraiment exceptionnelle. Quant aux premiers pupitres berlinois, leur solos, invariablement parfaits, se succèdent comme dans un concerto pour orchestre : un Chostakovitch peut-être un rien trop évident et soigné, manquant de l’ambiance de terreur panique de certains grands témoignages discographiques russes, mais à un tel niveau de luxe instrumental, comment résister ?



Laurent Barthel

 

 

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