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Déjanté

Frankfurt
Oper
09/26/2021 -  et 1er, 9, 15, 24, 30 octobre, 5* novembre 2021
Domenico Cimarosa : L’Italiana in Londra
Angela Vallone (Livia), Bianca Tognocchi (Madama Brillante), Theo Lebow (Sumers), Iurii Samoilov (Milord Arespingh), Gordon Bintner (Don Polidoro)
Frankfurt Opern- und Museumsorchester, Leo Hussain (direction musicale)
R.B. Schlather (mise en scène), Paul Steinberg (scénographie), Doey Lüthi (costumes), Joachim Klein (lumières), Mareike Wink (dramaturgie)


G. Bintner, B. Tognocchi (© Monika Rittershaus)


En dehors de son célèbre Mariage secret (1792), composé à la fin de sa carrière, après son séjour à la Cour de Russie, les plus de quatre-vingts ouvrages lyriques de Domenico Cimarosa semblent bien oubliés aujourd’hui, à quelques exceptions près (voir notamment la production genevoise des Deux Barons de Rocca Azzurra en 2014). L’Opéra de Francfort a eu la bonne idée de choisir l’un des plus éclatants succès du Napolitain, avec L’Italienne à Londres, un intermezzo composé en 1778 à Rome: ce succès immédiat sera rapidement repris bien au-delà de l’Italie, établissant la réputation d’un compositeur jusque-là peu connu en dehors de Naples.


Ce succès repose avant tout sur le livret très efficace de Giuseppe Petrosellini, qui travaille avec tous les grands de son temps (de Piccini à Salieri, en passant par Paisiello): en multipliant les quiproquos, les situations s’enchaînent sans temps morts, faisant de cette histoire proche des comédies de Goldoni un divertissement des plus réjouissants. Il faut dire que la mise en scène de R.B. Schlather l’enrichit grandement en apportant un vent de folie bienvenu, avec très peu de moyens en apparence (nombreuses surprises visuelles au moyen du plateau tournant et des éclairages variés). La farce gagne en profondeur à force d’attention à chaque détail et repose avant tout sur la finesse de la direction d’acteur, joyeusement déjantée, qui trouve le ton juste sans jamais verser dans l’hystérie. Chaque personnage gagne ainsi en consistance, tandis que le décor unique et astucieux est revisité avec un à-propos qui force l’admiration: progressivement, le spectacle provoque l’hilarité parmi le public, notamment lors des scènes qui jouent de l’étroitesse de la cabine téléphonique ou des fantaisies de Polidoro.


Dans ce rôle, Gordon Bintner s’en donne à cœur joie pour faire l’étalage de son talent burlesque, autant pour jouer le macho décérébré que le naïf doué d’invisibilité. Vocalement, on se régale de ses intonations puissantes, gorgées d’intentions et de couleurs, et ce malgré une émission parfois trop nasale dans l’aigu. Iurii Samoilov (Milord Arespingh) ne le lui cède en rien dans la projection vocale, un rien trop débraillée en début d’ouvrage, mais qui gagne ensuite en vérité dramatique, notamment dans la dernière partie plus sombre. On lui préfère toutefois le solide Theo Lebow (Sumers), dont la rondeur et le naturel d’émission sont un régal tout du long, porté par une aisance scénique stimulante. A ses côtés, Bianca Tognocchi (Madama Brillante) n’est pas en reste dans l’abattage comique, se jouant aisément de toutes les difficultés vocales. On aime aussi la ligne tendue d’Angela Vallone (Livia), émouvante devant l’adversité qui la frappe. On regrette seulement un timbre qui manque de substance au I, dans les airs plus doucereux.


Grand artisan de la réussite de la soirée et chaleureusement applaudi en fin de représentation (à l’instar du plateau vocal), Leo Hussain donne une leçon de maîtrise et d’élégance, sans jamais sacrifier au rythme: l’attention aux nuances et l’allégement des textures, particulièrement perceptible entre les pupitres de cordes, permettent de donner davantage de profondeur à la musique électrique de Cimarosa. Si l’inspiration du Napolitain est parfois inégale, tournant à vide en certains endroits, elle culmine dans certaines scènes: les pas feutrés des cordes pour figurer l’invisibilité ou l’air déchirant de Livia au II, lorsqu’elle craint l’emprisonnement. Mais c’est surtout la virtuosité des nombreux ensembles qui fait le prix de cet ouvrage, auxquels Rossini puisera pour y apporter toute l’ivresse que l’on connaît, la séduction mélodique en plus.


Un spectacle très réussi pour cette ouverture de saison, dont on se félicite de la captation télévisée réalisée à l’occasion de cette dernière représentation du spectacle.



Florent Coudeyrat

 

 

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