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Des vocalises qui s’enlisent

Geneva
Grand Théâtre
10/22/2021 -  et 26*, 29 octobre, 1er, 4, 7, 11 novembre 2021
Gaetano Donizetti : Anna Bolena
Elsa Dreisig (Anna Bolena), Alex Esposito (Enrico VIII), Edgardo Rocha (Riccardo Percy), Stéphanie d’Oustrac (Giovanna Seymour), Lena Belkina (Smeton), Michael Mofidian (Lord Rochefort), Julien Henric (Sir Hervey)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Alan Woodbridge (préparation), Orchestre de la Suisse Romande, Stefano Montanari (direction musicale)
Mariame Clément (mise en scène), Julia Hansen (décors et costumes), Ulrik Gad (lumières), Clara Pons (dramaturgie)


(© GTG / Monika Rittershaus)


Anna Bolena vient de donner le coup d’envoi d’une « Trilogie Tudor » donizettienne qui sera proposée par le Grand Théâtre de Genève sur trois saisons. Non seulement les deux chanteuses principales (Elsa Dreisig et Stéphanie d’Oustrac) mais aussi toute l’équipe de production seront les mêmes pour les trois ouvrages (les deux autres étant Roberto Devereux et Maria Stuarda) : Stefano Montanari à la direction musicale, Mariame Clément à la mise en scène et Julia Hansen aux costumes et aux décors. Cette dernière a reçu pour mandat de concevoir un seul et même décor pour les trois opéras, de sorte qu’une fois le dernier volet terminé, la trilogie pourra être facilement proposée en cycle, comme cela se fait généralement pour le Ring wagnérien, par exemple. Le décor, justement, représente une grande pièce qui donne, sur trois côtés, sur un parc verdoyant, et qui pivote sur elle-même. Au fil de la soirée, la pièce est tantôt ouverte, tantôt fermée et se transforme en salle de réunion ou en chambre à coucher au gré de l’intrigue, avec des projections d’animaux et de fleurs. Au lever de rideau, on voit la cour réunie autour d’un peintre, qui pourrait être Holbein, esquissant le portrait d’Anne Boleyn, assise en face de lui, dos au public. Mais ce n’est pas tant le contexte historique qui intéresse la metteur en scène que les relations entre les personnages. Preuve en sont aussi les costumes, patchwork de plusieurs époques. Tout au long du spectacle, on voit déambuler sur le plateau une Elisabeth Ire (fille d’Anne Boleyn et de Henri VIII) enfant et une autre en femme mûre, le personnage devenant en quelque sorte le fil rouge de cette trilogie. La petite fille voit sa mère décapitée sur ordre de son père et la femme qu’elle deviendra plus tard sera obsédée par cette tragédie. Mère et fille n’ont de cesse d’échanger des regards. Pour le reste, Mariame Clément signe une production plutôt statique, qui voit la plupart du temps les chanteurs immobiles sur le devant de la scène pour interpréter leurs airs.


La distribution vocale, inégale, témoigne de la difficulté de trouver aujourd’hui des interprètes adéquats pour le belcanto romantique. L’Anna Bolena d’Elsa Dreisig laisse perplexe. Voilà une jeune chanteuse dotée d’une très belle voix et de ressources vocales prometteuses, qui lui permettraient sans doute aucun de faire une magnifique carrière de soprano lyrique. Mais elle s’évertue à s’aventurer dans le belcanto, un répertoire qu’elle ne maîtrise pas totalement. On en veut pour preuve son Elvira décevante dans Les Puritains à Bastille en 2019. Son Anna Bolena est à l’avenant : des vocalises scolaires, des aigus escamotés ou arrachés et une envergure vocale insuffisante pour traduire les affres d’un personnage qui joue son existence. Dommage, car dans les passages extatiques ou sans pyrotechnie vocale, l’artiste offre de superbes moments d’intensité et d’émotion. Stéphanie d’Oustrac n’est pas non plus une belcantiste par nature, et ses aigus sont aussi acidulés, mais quel panache et quels accents véhéments en Giovanna Seymour ! En revanche, on admire sans réserves la technique et la vaillance d’Edgardo Rocha en Riccardo Percy, lequel enchaîne les aigus avec une facilité déconcertante, allant jusqu’à décrocher crânement des contre-mi bémol. Alex Esposito n’est peut-être pas le plus raffiné des interprètes et son chant ne s’embarrasse pas de nuances, mais il a au moins le mérite de rendre son Henri VIII encore plus autoritaire et brutal. Parmi les rôles secondaires, on retient surtout la voix de velours de Lena Belkina en page Smeton. Une mention particulière est aussi à décerner au chœur, confondant d’homogénéité et d’expressivité. A la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, Stefano Montanari propose une interprétation dynamique et contrastée, nerveuse et théâtrale, réussissant à faire de la fosse bien plus qu’un simple accompagnateur des voix.



Claudio Poloni

 

 

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