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Ambitieuse gageure

Paris
Palais Garnier
10/16/2021 -  et 15, 18, 19, 20, 21*, 23, 24, 27, 28, 29, 30 octobre, 2, 3, 4 novembre 2021
Le Rouge et le Noir
Pierre Lacotte (chorégraphie, décors, costumes), Jules Massenet/Benoît Menut (musique)
Mathieu Ganio/Mathias Heymann/Germain Louvet/Hugo Marchand*/Florian Magnenet (Julien Sorel), Amandine Albisson/Dorothée Gilbert*/Ludmila Pagliero/Hannah O’Neill (Madame de Rênal), Léonore Baulac/Myriam Ould Braham/Bianca Scudamore* (Mathilde de La Mole), Valentine Colasante/Roxane Stojanov*/Naïs Buboscq (Elisa), Stéphane Bullion*/Marc Moreau/Francesco Mura (Monsieur de Rênal), Audric Bezard*/Florian Magnenet/Yannick Bittencourt (L’abbé Chélan), Pablo Legasa*/Thomas Docquir/Antonio Conforti (L’abbé Castanède), Héloïse Bourdon/Eve Grinsztajn/Naïs Duboscq/Camille Bon* (La maréchale de Fervaques), Emilie Cozette/Camille de Bellefon* (La marquise de La Mole), Ballet de l’Opéra national de Paris
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Jonathan Darlington (direction musicale)
Jean-Luc Simonini (collaboration à la réalisation des décors), Xavier Ronze (assistant aux costumes), Madjid Hakimi (lumières)


D. Gilbert (© Svetlana Loboff/Opéra national de Paris)


Rentrée ambitieuse pour le Ballet de l’Opéra national de Paris avec la création de Le Rouge et le Noir d’après Stendhal, ballet en trois actes commandé au chorégraphe français Pierre Lacotte. Gros succès public!


On aurait aimé écrire: «précipitez-vous!» Cependant, le conseil d’aller visiter ce foisonnant monument dressé à la gloire de la littérature française et du ballet classique sera plus nuancé. Pourtant, la maison qui a été depuis l’enfance celle de Pierre Lacotte, 89 ans, chorégraphe internationalement réputé pour ses reconstitutions de chorégraphies disparues (Paris lui doit, entre autres La Sylphide et Paquita, Moscou La Fille du Pharaon) n’a pas lésiné sur les moyens. Le projet, qui implique quatre cents costumes, seize décors, soixante danseurs, un orchestre symphonique dans la fosse et la réalisation d’une partition, est du quasi-jamais-vu au Palais Garnier. Il dépasse en ambition les superproductions de Rudolf Noureev et, depuis treize ans, plus aucun ballet en trois actes n’y avait fait l’objet d’une commande. On reste bien sûr très admiratif devant le travail de Pierre Lacotte, qui a adapté le roman de Stendhal, réalisé la chorégraphie (par trop académique et sage), dessiné d’admirables costumes et des décors inspirés de gravures en noir et blanc, et porté à bout de bras ce projet de toute une vie dont la naissance aura été ajournée par la survenue de la pandémie et émaillée de quelques péripéties incluant la blessure le soir de la première du danseur étoile titulaire du rôle principal, Mathieu Ganio, remplacé au cours de sa première variation avant même que le public n’ait pu s’en rendre compte par Florian Magnenet.


Le soir de la captation pour la diffusion dans les cinémas UGC et sur Culturebox, pas d’autre drame sur scène que celui de Stendhal! Une gageure et un pari pas tout à fait réussi mais quelle tâche! Beaucoup de chorégraphes des écoles anglaise (Kenneth MacMillan), allemande (John Cranko, John Neumeier) ou russe (Iouri Grigorovitch) ont excellé dans le ballet narratif. Leur secret était de débarrasser au maximum la narration du décoratif. Pierre Lacotte n’a pas vraiment réussi ce grand écart. Pourtant ses personnages ont du poids sauf le principal, hélas! On n’ira pas jusqu’à convoquer le spectre de Gérard Philippe, interprète inoubliable de Julien Sorel en 1954 dans le film de Claude Autant-Lara, mais l’incarnation détachée, empesée, du jeune séminariste ambitieux, froid, passionné qu’en donne Hugo Marchand ne convainc pas. Lacotte a aussi voulu, tout en restant dans la forme classique, ajouter du cinéma, trop de changements de décors qui plombent un peu trop le rythme (sans compter les applaudissements du public après la moindre variation) et surtout trop de scènes de genre qui ralentissent l’action même si on ne peut nier que certaines, comme le grand bal donné par le marquis de La Mole, sont d’indéniables beautés chorégraphiques. Mais, à côté, quelques tableaux frisent le ridicule comme au séminaire et au camp de hussards; il est toujours périlleux de faire danser uniformes et soutanes...


On retiendra aussi la superbe incarnation de Dorothée Gilbert en Madame de Rênal ainsi que celle de Bianca Scudamore en Mathilde de La Mole, tout en se demandant comment elles peuvent être fascinées par ce fade Julien Sorel. Certains seconds rôles étaient magnifiquement tenus, bien au-delà de la silhouette, comme pour le Marquis de La Mole d’Andrey Klemm et l’abbé Chélan d’Audric Bezard. La partition musicale réalisée par Benoît Menut est un collage de musiques de Jules Massenet, pas toujours bien en situation, infiniment moins inspiré que celui réalisé en 1974 par Leighton Lucas pour L’Histoire de Manon de MacMillan, et que menait un peu trop vigoureusement Jonathan Darlington. Pour ce long fleuve de plus de trois heures qui entre au répertoire de la compagnie, l’avenir dira s’il fera autant d’usage que les grandes réalisations de ballets romantiques par Rudolf Noureev qui, depuis bientôt quarante ans pour les plus anciennes, tiennent toujours à l’Opéra de Paris le haut de l’affiche.



Olivier Brunel

 

 

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