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Tempéré mais du tempérament

Vienna
Konzerthaus
10/12/2021 -  
Johann Sebastian Bach : Das wohltemperierte Klavier (Teil II), BWV 870 à 893
Aaron Pilsan (piano)


A. Pilsan (© Harald Hoffmann)


Le nom d’Aaron Pilsan n’est plus tout à fait une découverte pour le discophile attentif, son enregistrement singulier du Premier Livre du Clavier bien tempéré, paru cette année, ayant été remarqué par la critique. L’interprétation du jeune Autrichien d’origine roumaine en est certes la cause, mais tout autant l’est son Bösendorfer – accordé suivant un tempérament de quintes légèrement resserrées, d’après un système prescrit par Andreas Werckmeister (1645-1706), proposant ainsi un élargissement historiquement crédible au concept de «tempérament égal» sous-jacent aux deux volumes composés par Bach.


Cette technique d’accordage exerce une influence, certes discrète, cependant essentielle sur l’éclairage de ce corpus d’œuvres, infusant une richesse supplémentaire et parfois inattendue aux progressions tonales, et apportant une différentiation bienvenue dans ce marathon qui franchit la barre des deux heures de musique. Les tensions générées par les chromatismes du Prélude BWV 889 sont de la sorte exacerbées et deviennent physiquement perceptibles pour l’auditeur; la Fugue BWV 878 prend quant à elle une dimension particulièrement poignante et dramatique, qui la propulse comme le point culminant de la première partie du concert.


Le jeune musicien de 26 ans a déjà maturé une vision idiomatique personnelle du langage du Bach; un contact de pédale très discret, fournissant un soupçon d’élargissement des timbres qui ne noie pas l’articulation; une égalité de note absolument maîtrisée qui fait respirer l’œuvre, proposant une voie alternative à l’opposition détaché/legato; un rubato d’articulation inspiré par l’usage des clavecinistes, qui s’oppose à celui des pianistes romantiques. Sous ses doigts, les contre-voix s’échappent naturellement, l’architecture des fugues émerge avec logique; des correspondances (réelles ou imaginaires) apparaissent entre prélude et fugues, parfois entre pièces successives. Pilsan sait aussi ménager l’inattendu: si les tempos sont généralement rapides, il sait à l’occasion prendre son temps pour déclamer, savourer les frottements, ou faire résonner son instrument à la manière d’un ensemble orchestral – on croit entendre une ouverture (BWV 874), ou une cantate (BWV 892, d’où un chant céleste semble subitement se détacher).


Voilà sans équivoque un pianiste atypique dont la pensée précède les doigts, qui paraît jouer pour le plaisir de communiquer, avec intelligence et sans exubérance superflue. Avec ce récital, qui à notre connaissance est le premier à produire le corpus du Second Livre, l’interprète offre un aperçu de ce qui deviendra sans nul doute un jalon discographique.


Le site d’Aaron Pilsan



Dimitri Finker

 

 

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