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Berlioz à la fresque

Strasbourg
Palais de la Musique
10/13/2021 -  et 14 octobre 2021
Hector Berlioz : Béatrice et Bénédict: Ouverture – Les Nuits d’été, opus 7 – Harold en Italie, opus 16
Michael Spyres (ténor), Timothy Ridout (alto)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, John Nelson (direction)


M. Spyres (© Grégory Massat)


John Nelson revient périodiquement diriger l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, avec de surcroît, depuis une mémorable exécution en concert des Troyens en 2017, l’enjeu d’un nouveau cycle discographique Berlioz, dont chaque étape est captée sur le vif en vue d’une publication sous étiquette Erato. Deux soirées d’enregistrement en public, suivies d’une journée de travail pour mettre en boîte les raccords, corrections, patchs... en vue de la publication d’un album couplant cette fois Harold en Italie et Les Nuits d’été.


L’Ouverture de Béatrice et Bénédict ne fait pas partie du projet discographique, et ne sert donc que de mise en condition. On y retrouve la technique de direction toujours très musicale de John Nelson, mais dont la précision ne paraît pas l’objectif prioritaire. L’entrée en matière, brossée à grands traits, fait beaucoup d’effet, mais mieux vaut ne pas trop sourciller sur tout ce qui reste un peu brouillon. Certes dans la musique de Berlioz l’élan compte, mais pas seulement, et peut-être plus encore dans Béatrice et Bénédict, comédie légère où une certaine finesse d’approche importe aussi beaucoup. On peut aussi s’interroger sur la légitimité d’un orchestre à ce point fourni, pour un ouvrage créé en 1862 dans le petit Théâtre de Baden-Baden, jolie bonbonnière dorée où n’entrerait sans doute pas la moitié des musiciens présents ce soir. En l’état, même débordant d’enthousiasme et d’énergie, le résultat paraît un peu lourd.


Même ampleur de son très conséquente dans l’«Orgie de brigands» qui conclut Harold en Italie, mais là, c’est licite. Emportée dans le feu du concert, l’exécution est magistrale, et puis l’orchestre semble ravi de se retrouver à plein effectif, invité à faire le plus de charivari possible, un plaisir qu’il n’avait plus connu depuis une très longue période. Des poussées d’adrénaline que John Nelson cherche aussi à susciter dans les autres mouvements, mais avec un bonheur moins constant. Si la «Sérénade» bénéficie d’un bel élan, qui rappelle la Symphonie italienne de Mendelssohn, en revanche la «Marche des pèlerins», prise au petit trot, surprend par sa célérité. Un tempo défendable, mais qui ne supporte aucune bavure, alors que là les accords de la petite harmonie, qui ont à peine le temps de se poser, pèchent beaucoup. Une ambiance vraisemblable si les pèlerins en question sortent d’une auberge où ils ont fait longuement ripaille. En revanche, comme moment de recueillement au crépuscule, on est loin du compte. Mais peut-être qu’au disque, après corrections, la perception deviendra différente. Le jeune altiste britannique Timothy Ridout tient sa partie avec une belle sonorité mais aussi un rien de timidité encore. Est-ce pour cela que John Nelson invite le public à l’applaudir à l’issue de «Harold aux montagnes«» ? En revanche son bis, le quatrième mouvement de la Sonate pour alto opus 25 n° 1 de Hindemith, met le feu aux poudres grâce à une époustouflante technique d’archet. L’auteur indique à ce moment là : Rasendes Zeitmass. Wild. Tonschönheit ist Nebensache, indications prises à la lettre par Timothy Ridout, au détail près qu’en plus la beauté de son y est.


Présent à toutes les étapes du cycle Berlioz en cours, Michael Spyres se devait bien entendu de chanter et enregistrer Les Nuits d’été. Il s’agit d’un cycle conçu, on le sait, pour des voix différentes, et qui requiert des transpositions pour qu’une ou un interprète unique puisse l’interpréter de bout en bout. Chanté le plus souvent par des sopranos ou des mezzos, il peut être abordé par des voix masculines, ce qu’a encore fait récemment Stéphane Degout au disque, avec un bonheur certain. Fort de sa tessiture très large de trois octaves, Michael Spyres peut s’offrir de surcroît le luxe de ne pas systématiquement transposer au plus confortable. S’il chante certaines de ces mélodies en version ténor, il aborde «Le Spectre de la rose» dans la même tonalité que Stéphane Degout, et d’ailleurs avec le même type de voix : on entend tout à coup un baryton, alors que dans la «Villanelle» précédente le timbre était bien celui d’un ténor. Une «Villanelle» d’ailleurs un peu problématique, surtout à froid : timbre un rien serré, quelques maniérismes sur les valeurs longues, et même une deuxième strophe attaquée un temps trop tôt. Mais ensuite les grandes qualités de styliste de Michael Spyres reprennent l’avantage : articulation irréprochable, pondération, aisance, un relatif manque de rechange de couleurs se retrouvant de toute façon compensé par le chef, qui instaure partout de beaux climats, voire, dans «Au cimetière», une fantasmagorie très réussie. Pour l’instant, une interprétation d’un niveau inégal, mais qu’il sera certainement passionnant de redécouvrir au disque.



Laurent Barthel

 

 

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