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Une Salome haute en couleur

Zurich
Opernhaus
09/15/2021 -  et 18, 24, 30 septembre, 3, 7*, 10, 17 octobre 2021
Richard Strauss : Salome, opus 54
Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Hérode), Michaela Schuster (Hérodiade), Elena Stikhina (Salomé), Kostas Smoriginas (Jochanaan), Mauro Peter (Narraboth), Siena Licht Miller (Page d’Herodias, Esclave), Iain Milne, Riccardo Botta, Diego Silva (Premier Juif), Alejandro Del Angel, Xuenan Liu, Fabio Dorizzi (Deuxième Juif), Martin Zysset, Savelii Andreev, Andrejs Krutojs (Troisième Juif), Andrew Owens, Remy Burnens, Luis Magallanes (Quatrième Juif), Stanislav Vorobyov, Oleg Davydov, Flurin Caduff (Cinquième Juif), Wilhelm Schwinghammer, Cheyne Davidson (Deux Nazaréens), Valeriy Murga, Alexander Fritze (Deux soldats), Henri Bernard (Un Cappadocien)
Philharmonia Zürich, Simone Young (direction musicale)
Andreas Homoki (mise en scène), Hartmut Meyer (décors), Mechthild Seipel (costumes), Franck Evin (lumières), Arturo Gama (chorégraphie), Claus Spahn (dramaturgie)


(© Paul Leclaire)


La saison 2021-2022 de l’Opernhaus de Zurich s’est ouverte dans la normalité, ou presque : après les productions de l’automne 2020 où l’orchestre était placé dans une annexe de l’Opéra située à un kilomètre de la salle et où le son était relayé dans l’auditoire grâce à la fibre optique, les musiciens ont retrouvé leur place dans la fosse et plus aucune restriction ne vient désormais limiter la jauge pour le public. La condition est bien évidemment la présentation d’un passe sanitaire à l’entrée. A l’intérieur, le masque reste de rigueur pour les spectateurs, mais il est intéressant de noter que son utilisation – qui n’est pas prescrite légalement – a été plébiscitée par une majorité de personnes ayant répondu à un sondage. Signe apparemment que le public préfère sacrifier un certain confort pour se sentir plus en sécurité. Quoi qu’il en soit, cette ouverture de saison est à marquer d’une pierre blanche grâce à une superbe production de Salomé.


Comme à son habitude, le metteur en scène Andreas Homoki, par ailleurs responsable de l’Opernhaus, a conçu une production extrêmement épurée, dans un décor (Hartmut Meyer) qui fait la part belle à la lune, comme le laissent d’ailleurs entendre les premiers mots du livret. Deux énormes lunes jaunes pivotant sur elles-mêmes occupent le plateau, l’une au sol et l’autre au-dessus des personnages. L’intrigue se déroule ainsi dans un espace abstrait et intemporel, strictement codifié, dans lequel chacun, selon la place qu’il occupe, porte une couleur bien définie. Les juifs sont en vert, les gardes en jaune, Salomé est vêtue de mauve et Hérodiade de rouge, alors qu’Hérode déambule en pyjama, ce qui renforce son côté ridicule. Salomé est vue comme une jeune fille qui ne recule devant rien pour s’émanciper coûte que coûte de cet univers rigide. Dans le programme de salle, Andreas Homoki explique en outre que la musique de Strauss l’inspire tout particulièrement car elle laisse une grande marge de manœuvre aux metteurs en scène, notamment dans les passages sans chant. C’est ainsi qu’il imagine un jeu de séduction entre Salomé et Jochanaan : Salomé voudrait embrasser le prophète, lequel refuse, mais celui-ci est aussi attiré par la jeune fille, qu’il n’hésite pas à attraper violemment pour la contraindre à un acte sexuel, avant de la rejeter, ce qui va exciter encore davantage le désir de l’héroïne. Et au cours de la célèbre « Danse des sept voiles », Hérode n’hésitera pas à se jeter littéralement sur Salomé, alors que Jochanaan va séduire Hérodiade puis finir par abuser d’elle, au grand dam de sa fille, laquelle décide alors de réclamer sa tête sur un plateau d’argent. Autant d’idées fortes composant un spectacle fort.


A la tête d’un Philharmonia Zürich des grands soirs, Simone Young livre une exécution haletante et vibrante du chef-d’œuvre de Strauss, mais a tendance à confondre violence et volume, faisant jouer l’orchestre beaucoup trop fort dans une salle aussi intimiste que celle de l’Opernhaus et contraignant ainsi les chanteurs à un concours de décibels. La distribution, d’excellent niveau, est particulièrement homogène. Avec sa voix puissante et sa projection insolente, Elena Stikhina ne se laisse jamais submerger par l’orchestre et passe avec une facilité déconcertante d’un extrême à l’autre de la tessiture. Scéniquement, elle incarne une Salomé sensuelle et féline, sans cesse en mouvement et qui sait exactement ce qu’elle veut. Kostas Smoriginas est un Jochanaan viril et athlétique, animal presque, inquiétant aussi, avec sa voix sonore et grave. Mauro Peter incarne un Narraboth lumineux et émouvant, qui pointe son poignard sur Jochanaan avant de le diriger contre lui-même. Michaela Schuster est une Hérodiade cynique et condescendante, alors que Wolfgang Ablinger-Sperrhacke compose un Hérode faible et veule qui ne peut à aucun moment masquer son désir pour Salomé. Pour la petite histoire, on signalera que chacun des cinq juifs est chanté par trois interprètes différents, Andreas Homoki ayant découvert dans la partition une note de Strauss disant que les voix des solistes pouvaient être remplacées par des choristes talentueux, à la discrétion du chef. La saison lyrique zurichoise a démarré sous les meilleurs auspices.



Claudio Poloni

 

 

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