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Nuances froides

Gijon
Teatro Jovellanos
08/18/2021 -  
Frédéric Chopin: Mazurkas, opus 24 – Fantaisie en fa mineur, opus 49 – Berceuse en ré bémol majeur, opus 57 – Mazurkas, opus 59
Modeste Moussorgski : Tableaux d’une exposition

Alexander Kobrin (piano)


A. Kobrin (© Stéphane Guy)


ConcertoNet, après l’avoir entendu à New York et à Paris, retrouve avec plaisir Alexander Kobrin à Gijon, dans le cadre de son «festival» annuel. Guillemets car il s’agit plus, comme on l’a noté maintes fois sur ce site, d’un cycle de classes de maître réservé à de jeunes pousses, du monde entier, que d’un festival proprement dit. L’an dernier, il avait été purement et simplement annulé. Cette année, il est drastiquement réduit aux seuls concerts planifiés de longue date par les enseignants, aucun apprenti pianiste n’étant accueilli pour les raisons sanitaires que l’on devine.


Le concert au Théâtre Jovellanos de la ville est classiquement donné par l’un des professeurs de l’édition du moment. Il couronne habituellement le cycle de formations, d’autres concerts étant d’ordinaire organisés ailleurs, par exemple au Jardin botanique, à l’air libre, mais dans des conditions moins satisfaisantes. Cet été, c’est au tour du pianiste russe (né en 1980), auréolé de prix aux concours Chopin (2000), Glasgow (1998), Busoni (1999) et Van Cliburn (2005), de se produire au cœur de la grande ville côtière asturienne. Il a pu avoir le profil de la bête à concours, à la technique irréprochable, comme sait tant en produire «l’école russe», mais ses prestations ces dernières années tant aux Etats-Unis – où il enseigne et se produit beaucoup plus qu’en Europe semble-t-il – qu’en France ont montré qu’il était davantage que cela et savait maintenir un haut degré d’exigence technique et artistique par-delà les ans.


Le public ne sait pas ce qu’il va jouer: aucun programme n’est disponible, beaucoup s’interrogent et questionnent le personnel du théâtre mais personne ne semble en mesure de fournir un quelconque renseignement. Ceux qui auront eu la curiosité de consulter le site du pianiste n’auront été au demeurant que très partiellement éclairés. Finalement, le concert est rapidement présenté sur la scène mais non par l’organisatrice du festival, la dévouée Amy E. Gustafson, fidèle de Gijon de longue date et absente cette année encore: la première partie sera consacrée à des pièces de Frédéric Chopin (1810-1849) et la seconde à d’autres de Modeste Moussorgski (1839-1881), le tout interprété de mémoire sur le Steinway de service.


De Chopin, ses Mazurkas des Opus 24 (1838) et Opus 59 (1846), Fantaisie (1842) et Berceuse (1845) sont abordées avec une réelle distanciation, frisant la froideur. Le pianiste ne cède pas à la tentation de l’alanguissement facile et de l’effet. Son jeu raffiné détaille tout. C’est un jeu sans affèterie, sans rubato, où la recherche de la nuance est systématiquement privilégiée. Cela n’exclut pourtant pas la tendresse, comme dans cette charmante Berceuse, où Alexander Kobrin effleure les touches avec une infinie délicatesse.


La seconde partie du concert, si l’on peut dire puisque le public était invité à rester sagement assis dans le noir quelques instants seulement, en attendant la suite, est consacrée aux célèbres Tableaux d’une exposition (1874). On est souvent confronté à deux lectures opposées de cette œuvre monumentale, aux difficultés techniques redoutables: les uns privilégient les contrastes entre ses pièces, souvent en les accusant, quitte à fractionner à l’excès le discours, à perdre en nuances et à tomber dans le vulgaire, tandis que d’autres les lissent pour retenir l’idée de promenade de tableau en tableau à la recherche d’une unité à vrai dire un peu théorique, quitte à gommer l’âpreté de certaines pièces. Alexander Kobrin relève plutôt de cette catégorie de pianistes. Il prend son temps là encore. Il enchaîne les pièces sans pause et présente un discours très articulé, sa lecture étant au fond très analytique. Il sait ménager des surprises mais on est très loin d’une vision hallucinée. Il n’écrase pas le clavier mais la grandeur n’est pas là. Tout est absolument maîtrisé - les scories de la main droite sur la fin sont exceptionnelles – mais on aurait vraiment aimé plus de fantaisie.


Sans demande particulière du public, qui franchement ne la méritait pas au vu des sonneries de portables ayant émaillé le concert, le pianiste annonce, en anglais, une «très courte pièce» (pour rassurer l’auditoire?). Ce sera «La Fille aux cheveux de lin», un des préludes de Claude Debussy, interprété très calmement et doucement, comme l’exigeait le compositeur.


Le site du Festival international de piano de Gijon
Le site d’Alexander Kobrin



Stéphane Guy

 

 

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