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Le Quatuor Diotima, nouveau Quatuor Arditti

Paris
Maison de la radio
02/06/2021 -  
Pascal Dusapin : Etudes
Vanessa Wagner (piano)


V. Wagner (© Caroline Doutre)


Les sept Etudes de Pascal Dusapin, composées entre 1999 et 2002, semblent façonnées pour le jeu tout en finesse de Vanessa Wagner (dédicataire des Troisième et Septième Etudes). La rencontre du créateur et de l’interprète s’étant scellée sous le signe de Scriabine (à qui la pianiste consacra un disque), difficile de ne pas songer au Russe à travers ces appels fiévreux sur un rythme ïambique et ces trilles convulsifs. Les sept Etudes recherchent cependant moins la transcendance que l’immanence en ce qu’elles écartent la pure virtuosité digitale au profit des dialogues expressifs constitués de figures ramassées, au ton interrogatif. Leur propension aux vibrations prolongées agit comme une invite à déguster le mystère de l’instant. Alternant concentration du geste et rythmique obsessionnelle, sonorités perlées et toucher au fond du clavier, polarités et oppositions de registres, Vanessa Wagner respire au plus près de cette musique qu’elle soustrait aux diktats de la barre de mesure (jusque dans les Etudes les plus pulsées). Mieux: sa familiarité avec l’intégralité du cycle nous donne à percevoir un grand arc, subdivisé en sept mouvements.


Mauricio Sotelo : Quatuor n° 3 «Diotima: la mémoire incendiée»
Bruno Mantovani : Quatuor à cordes n° 7 (création)
Enno Poppe : Zwölf – Quintette (création)
Pascal Dusapin : Quatuor à cordes V

Marc Coppey (violoncelle), Quatuor Diotima: Yun-Peng Zhao, Constance Ronzatti (violon), Franck Chevalier (alto), Pierre Morlet (violoncelle)


F. Chevalier, C. Ronzatti, P. Morlet, Y.-P. Zhao (© Jérémie Mazenq)


Petite transhumance du studio 104 au Grand Auditorium et nous voici prêt à écouter, toujours sans public mais devant les micros de France Musique, le concert du Quatuor Diotima.


On connaît mal de ce côté-ci des Pyrénées la musique de Mauricio Sotelo (né en 1961). La création de son Troisième Quatuor fait plus qu’émousser la curiosité: prenant pour prétexte la transformation du «son du quatuor en une voix flamenca imaginée», le compositeur madrilène se rapproche de ce qui fut son premier instrument, la guitare, tout modelant un matériel thématique sur-mesure pour le quatuor à cordes. Finement ouvragée, la polyphonie monnaye astucieusement le temps entre les quatre instrumentistes dont les modes de jeu suggestifs (cf. la cadence lyrique de l’alto soutenue par un accompagnement en pizzicatos exécuté à l’aide d’un plectre) génèrent un flux sonore sans cesse renouvelé.


Qualifié de «mécanique» par Bruno Mantovani (né en 1974), le Septième Quatuor joue sur des phénomènes de «périodicités» et de «déformation d’une idée initiale». En dépit de la labilité du discours, de l’énergie qui découle des tremolos en soufflet et de la progression harmonique par paliers (montants et descendants), la partition peine à convaincre en raison de son écriture systématique, moins pensée pour le quatuor qu’adaptée à lui. Quand le métier (certes sûr) pallie le manque d’inspiration...


Tout le contraire d’Enno Poppe (né en 1969) qui, dans son Quintette donné en création mondiale, déjoue (non sans malice) les attentes de l’auditeur. L’œuvre commence au violoncelle seul à la manière d’une improvisation orale de ces tribus d’Afrique sub-sahariennes qui fascinèrent tant Ligeti, aussitôt relayée par les autres instruments. Marc Coppey apporte son soutien aux quatre membres du Quatuor Diotima dans ces vingt minutes traversées de moments tendres et impétueux, jouant tour à tour pour et contre l’uniformisation des pupitres. A l’instar de certains mouvements des quatuors de Bartók, le quintette est sollicité par endroits comme un gigantesque instrument à plusieurs cordes. Le solo du second violon, qui flirte avec des intervalles plus petits que le demi-ton, prélude à une surprenante coda au balancement hypnotique. Si la présence de deux violoncelles (clin d’œil au Quintette en ut de Schubert?) assombrit la balance sonore, le jeu versatile des musiciens garantit à la pièce son aspect insaisissable... à l’image du tempérament facétieux d’Enno Poppe.


Une certaine théâtralité s’invite aussi dans le Cinquième Quatuor (2005) de Pascal Dusapin, mais la dramaturgie n’est pas la même: «Quatuor Mercier et Camier», nous apprend la notice signée du compositeur, qui entend ici inoculer à la musique un peu de ces dialogues beckettiens où l’humour le dispute à la mélancolie. On y retrouve la faconde caractéristique des personnages comme leur manière souvent «oblique» de suivre leur pente. Autant de prétextes aux variations de textures et de timbres, des musiques d’insectes de la fin au cantabile radieux du premier violon que ses compagnons accompagnent en pizzicatos, puis en suaves contrechants.


La mise en place au cordeau et l’investissement émotionnel auxquels parviennent Yun-Peng Zhao, Constance Ronzatti, Franck Chevalier et Pierre Morlet dans ce riche programme font à nouveau du Quatuor Diotima le digne héritier du Quatuor Arditti.



Jérémie Bigorie

 

 

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