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Le coronavirus donne le la

Geneva
Grand Théâtre
10/26/2020 -  et 28, 30 octobre, 1er, 4, 6 novembre 2020
Leos Janácek : Vĕc Makropulos
Rachel Harnisch (Emilia Marty), Ales Briscein (Albert Gregor), Sam Furness (Vitek), Anna Schaumlöffel (Krista), Michael Kraus (Jaroslav Prus), Julien Henric (Janek Prus), Karoly Szemeredy (Dr. Kolenatý), Ludovit Ludha (Hauk-Schenkdorf), Rodrigo Garcia (Un machiniste), Iulia Surdu (Une femme de ménage, Une femme de chambre)
Chœur d’hommes du Grand Théâtre de Genève, Alan Woodbridge (direction), Orchestre de la Suisse Romande (bande-son enregistrée), Tomás Netopil (direction musicale)
Kornél Mundruczó (mise en scène), Marcos Darbyshire (reprise de la mise en scène), Monika Pormale (décors et costumes), Felice Ross (lumières), Kata Wéber (dramaturgie)


(© GTG/Magali Dougados)


Le coronavirus oblige les théâtres lyriques à faire preuve d’inventivité. Il y a un mois, l’Opernhaus de Zurich présentait Boris Godounov avec une fosse vide : pour chaque représentation, le chef, les chanteurs et les choristes étaient rassemblés dans un studio de répétition situé à un kilomètre du théâtre, le son étant retransmis dans la salle par fibre optique et les interprètes suivant les indications du chef grâce à de nombreux écrans installés tout autour du plateau. Le Grand Théâtre de Genève va encore plus loin : en juillet, le chef Tomás Netopil et l’Orchestre de la Suisse Romande commençaient les répétitions de L’Affaire Makropoulos. Anticipant l’évolution de la pandémie et compte tenu aussi de l’effectif orchestral imposant du chef-d’œuvre de Janácek, le Grand Théâtre et l’Orchestre décidaient d’un commun accord d’enregistrer la partie orchestrale. Grand bien leur en a pris, car sinon le spectacle n’aurait sûrement pas pu avoir lieu, vu la situation sanitaire actuelle. C’est donc une bande-son enregistrée que le public genevois entend, diffusée dans la salle par une trentaine de haut-parleurs disposés dans la fosse. Le chef est seul présent dans la fosse, à donner des indications aux chanteurs. Une représentation d’opéra sans musiciens dans la fosse, qui l’aurait jamais imaginé ?


L’entreprise n’a pu être réalisée que parce que le chef et la plupart des chanteurs connaissaient déjà la production, pour l’avoir étrennée à l’Opéra des Flandres en 2016. Tous connaissaient les tempi dont le spectacle a besoin. Il n’empêche, il faut s’incliner devant la performance des interprètes, au premier rang desquels Rachel Harnisch dans le rôle principal, lesquels n’ont aucune souplesse ni marge de manœuvre et doivent impérativement se caler, à la seconde près, sur la bande-son. Le résultat est d’autant plus impressionnant que le soir de la première aucun décalage sensible ne s’est fait entendre. L’équilibre orchestre-chanteurs est aussi bien assuré. Spécialiste de Janácek, Tomás Netopil offre une lecture claire et transparente, mais aussi ronde et pointue à la fois, avec un grand souci du détail, sans pour autant perdre de vue l’urgence et la tension dramatique. Pour la petite histoire, on notera que L’Affaire Makropoulos est donnée pour la première fois au Grand Théâtre de Genève, signe que l’ouvrage, réputé difficile et complexe, peine à se faire une place durable sur les affiches lyriques.


La mise en scène de Kornél Mundruczó nous révèle tout de suite que nous avons affaire ici à la production d’un cinéaste, tant l’intrigue est traitée comme un thriller, dans une atmosphère mystérieuse, inquiétante et fantomatique - à l’image de l’opéra tout entier – atmosphère rehaussée par les superbes lumières de Felice Ross. L’action est d’abord transposée dans un tribunal, avec des juges façon Robocop, puis dans une villa moderne et cossue. La direction d’acteurs est particulièrement soignée, chaque personnage étant finement caractérisé et chaque réaction et sentiment traduits au plus juste.


La distribution très homogène et de haut vol est emmenée par Rachel Harnisch, Emilia Marty à la silhouette juvénile et élancée, presque androgyne, qui fait son entrée en combinaison de motard. Héroïne tour à tour féline, cynique et narquoise, mais aussi désabusée, émouvante et fragile, la soprano suisse éblouit tant vocalement que scéniquement, ne faisant qu’un avec son personnage. Elle ne saurait être mieux entourée par Ales Briscein, Albert Gregor ardent et passionné, au lyrisme incandescent, et par Michael Kraus, Jaroslav Prus au magnifique timbre ambré. Malheureusement, seule une poignée de privilégiés pourront voir ce spectacle à Genève car la série de représentations devrait s’arrêter après la deuxième déjà, le gouvernement suisse venant de limiter les manifestations à cinquante personnes pour une période encore indéterminée.



Claudio Poloni

 

 

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