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Figaro-ci, Berta-là!

Montpellier
Corum (Opéra Berlioz)
09/28/2020 -  et 30 septembre, 2*, 4 octobre 2020
Gioachino Rossini : Il barbiere di Siviglia
Philippe Talbot (Almaviva), Paolo Bordogna (Figaro), Adèle Charvet (Rosine), Gezim Myshketa (Bartolo), Jacques Greg Belobo (Basilio), Ray Chenez (Berta), Philippe Estèphe (Fiorello), Jean-Philippe Elleouet-Molina (Un officier), Luis Tausia (Ambroise)
Chœur Opéra national Montpellier Occitanie, Noëlle Gény (chef de chœur), Orchestre national Montpellier Occitanie, Magnus Fryklund (direction musicale)
Rafael R. Villalobos (mise en scène), Emanuele Sinisi (décors), Bettina Walters (costumes), Felipe Ramos (lumières)


P. Bordogna, A. Charvet (© Marc Ginot)


Transvasée dans les vastes volumes de l’Opéra Berlioz, la mise en scène de Rafael R. Villalobos maintient plus facilement les «distances de sécurité» entre les chanteurs, glissant au passage quelques gags, tels les masques dont chacun se couvre aussitôt le visage lorsque Basilio est suspecté d’avoir contracté la scarlatine. On sera moins bon public de l’intoxication alimentaire qui s’abat sur les carabiniers à la fin du premier acte, prétexte à un humour scatologique (force rouleaux de papier toilette étalés) rien moins que dispensable. L’influence de l’univers bigarré et plein de surprise de Pedro Almodóvar est autrement plus réjouissante. Bartolo? Un vieux lubrique dont le goût prononcé pour les compositions florales et autres bondieuseries masque les pratiques sadomasochistes auxquelles concourent ses deux domestiques travestis (cf. Talons aiguilles), Berta incluse. Rosine? Une ado rebelle. Figaro? truculent prestidigitateur porté sur la boisson, capable de tirer de sa boîte à malice l’accessoire adapté à chaque situation. Almaviva? un amoureux transi qui n’hésite pas à troquer le costume respectable de l’aristocrate pour l’uniforme du soldat ou l’habit de lumières du torero. Assez minimaliste (la maison de Bartolo, qu’un plateau tournant donne à voir tour à tour de l’extérieur et de l’intérieur), le décor bénéficie de l’éclairage en ombres et lumières de Felipe Ramos et de projections vidéo liées au courant de la Movida. Sur ce clin d’œil cinématographique se greffe l’accent mis sur la critique sociale par le truchement du personnage de Berta: les metteurs en scène à avoir exploité ce potentiel subversif chez Leporello sont légion, mais le percevoir chez un tel comprimario du Barbier, il fallait y penser! Le contre-ténor américain Ray Chanez y fait merveille, écopant au passage d’un air de zarzuela – le délicieux Tango de Menegilda de La Gran Vía de Federico Chueca, dont les paroles font mouche («C’est une vie difficile d’être servante»).


L’Almaviva tout en finesse de Philippe Talbot évolue ici en terrain de connaissance: du tenore di gracia, il a l’aigu facile et les vocalises fuselées. On lui a soustrait, hélas, le «Cessa di più resistere» du second acte. Le style ad hoc se retrouve chez Gezim Myshketa, d’une vis comica irrésistible en Bartolo que n’effraient pas les syllabismes galopant de l’écriture bouffe rossinienne où il est si facile de se prendre les pieds – ou plutôt les talons aiguilles! – dans le tapis; d’autant que la direction de Magnus Fryklund, si elle veille à ne jamais couvrir les chanteurs, adopte des tempos très allants. Le Figaro-biker de Paolo Bordogna («Bar-bière», indique l’enseigne fixée sur son véhicule) se concilie sans tarder les faveurs du public par son aisance en scène et un «Largo al factotum» mené tambour battant. Les duos avec Almaviva et Rosine donnent la mesure de sa musicalité, comme les suaves diminuendos auxquels le baryton soumet sa voix puissante. Rôle forcément payant, qu’on eût aimé trouver au Basilio (attifé en Don Camillo) de Jacques Greg Belobo après un «air de la calomnie» parfaitement en place mais bien sobre. Très attendue, Adèle Charvet, en accord avec la version pour mezzo, compose une Rosine ténébreuse, moins mutine que vindicative, plus panthère noire qu’oie blanche, mais sachant insuffler au personnage ce qu’il faut de minauderie pour le rendre attachant. Dans la voix comme dans le jeu, du charme à revendre!


Saluons pour finir la prestation de l’Orchestre de national Montpellier Occitanie, d’une parfaite cohésion (la petite harmonie) sous la direction vivante de Magnus Fryklund, chef assistant à l’Opéra de Montpellier auprès de Michael Schønwandt, lequel fut retenu dans son Danemark natal en raison de la crise sanitaire... que la magie rossinienne de ce soir nous aura fait pour un temps oublier.



Jérémie Bigorie

 

 

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