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Les ensembles de musique contemporaine ont leur festival

Paris
Pan Piper
09/13/2020 -  

16 heures
Gérard Grisey : Anubis et Nout
Frank Bedrossian : La Solitude du coureur de fond
Johannes Maria Staud : Leading Lines
Yann Robin : Schizophrenia

Alain Billard (clarinettes), Miguel-Angel Lorente (saxophones)


18 heures
Jonathan Harvey : Mortuos plango, vivos voco – Wheel of Emptiness [1]
Théo Mérigeau : Points de Maille (création) [2]
Noriko Baba : Au clair d’un croissant (création) [3]

Matteo Cesari (flûte), Hélène Devilleneuve (hautbois), Jean-Marc Fesard (clarinette),Loïc Chevandier (basson), Cédric Bonnet (cor), Laurent Bômont (trompette), Lucas Ounissi (trombone), Caroline Cren, Orlando Bass (piano), Hélène Colombotti, Sylvain Lemêtre (percussion), Pieter Jansen, Léo Marillier (violons), Maxime Désert (alto), Frédéric Baldassare (violoncelle), Didier Meu contrebasse), Guillaume Bourgogne [3], Gonzalo Bustos [2], Léo Warynski [1] (direction)




Ceinturé, pour sa première édition, en amont par le festival ManiFeste et en aval par le festival Musica, ce tout nouveau «festival Ensemble(s)» dédié à la musique contemporaine proposait trois soirées placées sous le signe de l’échange et de la création. Fort de la mutualisation des ensembles 2e2m, Cairn, Court-circuit, Multilatérale et Sillages, il nous donnait rendez-vous dimanche dernier dans la nouvelle salle Pan Piper, à deux pas du métro Philippe Auguste, pour un concert de clôture en deux temps.


Alain Billard, membre de Multilatérale (mais également de l’Ensemble intercontemprorain), est un peu notre fil rouge de cette première partie sous-titrée «A bout de souffle». Dans Anubis et Nout (1983-1990), Gérard Grisey (1946-1998) donne à percevoir, par le biais d’une cellule en extension, une conquête progressive de l’espace sonore, un peu dans l’esprit du Prologue pour alto des Espaces acoustiques – en plus concentré. La clarinette contrebasse – Fafner et Léviathan réunis – module ses graves rocailleux qu’accentue un ample vibrato. La fin de Nout aura beau privilégier les sonorités feutrées, ce diptyque, lové dans les abîmes de l’instrument, exige de l’interprète la maîtrise de la respiration circulaire et du flatterzunge.


Avec Black Moon (1998) pour clarinette basse, Johannes Maria Staud (né en 1974) joue moins la carte du monstre perclus sous le poids de ses calories que la carte du contraste entre l’épaisseur du timbre et la mobilité des motifs. Alain Billard en maîtrise la labilité du discours oscillant entre toccata et transe. Celle-ci est également au menu de La Solitude du coureur de fond (2000) de Franck Bedrossian (né en 1971), une pièce aux allures d’étude tant le panel des modes de jeu s’y déploie de manière ostensible. Miguel-Angel Lorente, à travers pleins et déliés, veille à en croquer le dessin, à en faire palpiter la vitalité (battement des clés, soufflerie).


Nos deux musiciens dialoguent dans Schizophrenia (2006). Moins dialogue que confrontation en vérité, tant Yann Robin (né en 1974) exploite pleinement les phénomènes de «dédoublement» et «d’illusions psycho acoustique» renforcés par l’éloignement progressif des deux interprètes. Là où le provoquant Art of Metal II (2007) ne quittait guère l’univers saturationniste, Schizophrenia, au contraire, cisèle soigneusement ses rythmes et ses figures, reléguant au second plan l’exploration timbrique, laquelle découle naturellement des tessitures propres aux deux instruments choisis: la clarinette en si bémol et le saxophone soprano. Ainsi de la cellule-griffe liminaire, qu’on croirait prélevée chez quelque minimaliste... Au gré d’une trajectoire ponctuée de décalages et d’effets d’échos, les interjections gagnent progressivement en véhémence, faisant la navette entre les registres grave et aigu.


Le second concert donne à entendre le bien connu Mortuos plango, vivos voco (1980) de Jonathan Harvey (1939-2012) pour bande à huit pistes: un classique de la musique contemporaine. Si l’œuvre partage avec le plus tardif Wheel of Emptiness (1997) une même attache spirituelle (respectivement les cloches de la cathédrale de Winchester et «la notion bouddhiste du "vide"»), il semble difficile d’assigner un style particulier au compositeur britannique, comme le fait observer Léo Warynski au cours d’une conversation avec Clément Lebrun. Le sentiment, en tant qu’auditeur, est de se trouver projeter dans l’œil du cyclone dès les «pizz Bartók» inauguraux. La richesse de l’entrelacs polyphonique, que la direction concernée de Warynski a à cœur de décortiquer, peut s’écouter de manière globale ou, au contraire, détaillée, en se focalisant sur telle ou telle voix – parfois soulignée par l’orchestration (nombreuses doublures). Une partition dense, traversée d’obscurités et d’éclairs, que les musiciens portent à incandescence.


Marraine de cette première édition du festival des ensembles, la Japonaise Noriko Baba (née en 1972) décline à sa manière dans Au clair d’un croissant le procédé de l’objet trouvé. En l’occurrence la célébrissime comptine Au clair de la lune (mais le «Clair de lune» de Debussy fera aussi une furtive apparition), placée dans «un cadre nostalgique». L’usage de jouets et d’outils d’éveil musical évoque la fameuse Symphonie de Léopold Mozart cependant que les nombreux gazouillis d’oiseaux rappellent la manière de Francesco Filidei – ami et interprète occasionnel de la musique de Noriko Baba. Pour habile qu’elle soit, cette pièce n’échappe pas aux limites de l’exercice de style.


Plus enthousiasmante, la création Points de Maille de Théo Mérigeau (né en 1987) se réclame de l’univers des arts plastiques: «Le titre de ma partition fait référence au travail du peintre Simon Hantaï». De fait, le parallèle semble évident entre le «quadrillage à la métrique très ordonnée» d’Hantaï et le maillage serré des lignes qui découle de rythmes asynchrones et de cette annexion de la moindre portion de silence. La musique semble mijoter dans un jus pointilliste. Sur l’écran de notre écoute, vents, cordes (sonorisés) et percussions, inscrivent des événements punctiformes avant de laisser la place à un ultime volet plus méditatif, en notes tenues, selon une succession obéissant au principe du Clocks and Clouds cher à Ligeti. Gonzalo Bustos insuffle l’élan vital idoine.


Et les directeurs artistiques des cinq ensembles de monter sur scène pour saluer les efforts conjugués ayant permis la tenue de ce festival dans les circonstances que l’on sait. Rendez-vous pris l’année prochaine pour une nouvelle édition.


Le site du festival Ensemble(s)



Jérémie Bigorie

 

 

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