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Trois créations, trois esthétiques

Paris
Centre Pompidou
09/02/2020 -  
Daniel D’Adamo : The Lehmann discontinuity (création)
Philippe Hurel : En filigrane (création)
Ivan Fedele : Leading Lines (création)

Quatuor Tana: Antoine Maisonhaute, Ivan Lebrun (violons), Julie Michael (alto), Jeanne Maisonhaute (violoncelle)
Simone Conforti (réalisation informatique)


(© Eric de Gélis)


La prise de parole liminaire d’Antoine Maisonhaute, au cours de laquelle le premier violon du Quatuor Tana tient à exprimer sa joie et celle de ses camarades de pouvoir jouer de nouveau en public, nous rappelle qu’il s’en fallut de peu que le Festival ManiFeste-2020 ne passât à la trappe. Les efforts conjugués des uns et des autres auront donc permis la tenue de ce concert présentant trois créations.


Dans The Lehmann discontinuity, Daniel D’Adamo (né en 1966) s’est en quelque sorte mué en entomologiste des sons, traquant leurs manifestations les plus infimes que le travail de composition projette dans un second temps «sur une échelle d’écoute plus large». Un processus qui n’est pas sans rappeler celui d’Olivier Messiaen transcrivant ses chants d’oiseaux au piano, et condamné de fait au demi-ton comme plus petit intervalle disponible. Le recours à «une technique d’archet spécifique» génère tout un champ de sonorités congestionnées et aussitôt démultipliées par l’électronique. En dépit des phénomènes de spatialisations et de souffles, qui lui confèrent une énergie irrépressible, la pièce nous a semblé un peu trop prévisible dans son déroulement et ses effets acoustiques.


La partie électronique d’En filigrane, en réalité fixée (à l’instar de son ancêtre la bande magnétique), «tient à donner l’illusion du temps réel». Pourquoi un tel subterfuge? Sans doute parce que l’écriture rythmique très heurtée et la mobilité mercurielle des figures (et leurs nombreuses ramifications) ont fait opter Philippe Hurel (né en 1955) pour un usage plus ornemental de l’ordinateur, telle cette couche finale et inappréciable que le peintre pose sur sa toile. Au reste, la métaphore visuelle est pleinement assumée par le compositeur qui prend à son compte le terme d’«arrière-plan» pour désigner la diffusion, à trois reprises, de l’enregistrement des premières mesures de l’œuvre sur laquelle les instrumentistes greffent en direct leurs interventions. Frappe le discours heurté, violent, de cette partition «inscrite dans une série d’œuvres marquées par les deuils» que scandent par endroits les graves sépulcraux de l’électronique. Le Quatuor Tana s’est parfaitement approprié la versatilité des modes de jeu, des sonorités flûtées du début aux bruissement âpres de la fin obtenus par la pression du talon de l’archet.


Leading Lines offre sans doute la dramaturgie la plus lisible: le cinquième quatuor d’Ivan Fedele (né en 1953) prend pour point de départ de ses cinq mouvements «une ligne». On serait tenté d’ajouter «un geste», lequel offre la particularité d’être souvent communs aux quatre musiciens en vertu d’une approche qui, loin de jouer contre l’uniformisation des pupitres, conçoit au contraire le quatuor comme un seul instrument. Une approche sans doute plus traditionnelle – «académique», diront ses détracteurs – que celle des deux pièces précédentes, mais qui nous rappelle au passage la magie de l’homophonie lors d’une séquence contemplative et comme en apesanteur. Quant à la partie informatique, elle est si bien intégrée et discrète dans ses manifestations qu’elle se ferait presque oublier... D’autres passages, dramatiques et fragmentés, voient l’écriture se densifier à proportion du gain en impureté opérée par l’échelle timbrique – Fedele parle à son sujet d’«impureté fossile». Retenu dans son Italie natale, le compositeur pourra entendre la création de son œuvre sur les ondes grâce aux micros de France Musique; et prendre la mesure de la remarquable cohésion à laquelle est parvenue ce soir le Quatuor Tana.


Le site du Quatuor Tana



Jérémie Bigorie

 

 

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