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Moteur, on massacre !

Geneva
Grand Théâtre
02/26/2020 -  et 28 février, 1er, 4, 6, 8 mars 2020
Giacomo Meyerbeer : Les Huguenots
Ana Durlovski (Marguerite de Valois), John Osborn*/Mert Süngü (Raoul de Nangis), Michele Pertusi (Marcel), Lea Desandre (Urbain), Laurent Alvaro (Le Comte de Saint-Bris), Rachel Willis-Sørensen (Valentine de Saint-Bris), Alexandre Duhamel (Le Comte de Nevers), Anicio Zorzi Giustiniani (Tavannes, Premier moine), Florian Cafiero (Cossé), Donald Thomson (Thoré, Maurevert), Tomislav Lavoie (Retz, Troisième moine), Vincenzo Neri (Méru), Harry Draganov (Archer), Iulia Elena Preda (Une coryphée), Céline Kot (Une dame d’honneur), Rémi Garin (Bois-Rosé, Un valet), Nauzet Valeron (Coryphée I), Peter Baekeun Cho (Choryphée II), Rodrigo Garcia (Choryphée III)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Alan Woodbridge (chef de chœur), Orchestre de la Suisse Romande, Marc Minkowski (direction musicale)
Jossi Wieler, Sergio Morabito (mise en scène et dramaturgie), Anna Viebrock (décors et costumes), Martin Gebhardt (lumières), Altea Garrido (chorégraphie)


(© Magali Dougados)


Les Huguenots de Meyerbeer n’avaient plus été représentés à Genève depuis 1927 ; c’est dire si la nouvelle production à l’affiche du Grand Théâtre était attendue avec impatience, d’autant que la ville est l’un des berceaux du protestantisme. Impatience certes, mais appréhension aussi, car on sait que le duo de metteurs en scène engagé (Jossi Wieler et Sergio Morabito) est coutumier de lectures volontiers provocatrices ; on pense par exemple à leur Rusalka se déroulant dans un bordel ou, plus récemment, à une Norma se résumant à de houleuses et vociférantes scènes de ménage entre l’héroïne et Pollione. Pour Les Huguenots pas d’excès, comme si le tandem s’était assagi, mais au final une production fade et sans relief, qui frise souvent le ridicule. Partant de l’idée que le grand opéra est le précurseur du film historique et du péplum, voire des comédies musicales, et que le septième art a supplanté l’opéra dans les faveurs du public, Jossi Wieler et Sergio Morabito ont transposé l’action sur un plateau de cinéma de Hollywood dans les années 1940. Et tout au long du spectacle, on croise en effet Buster Keaton, Charlie Chaplin, Bette Davis ou encore Rita Hayworth, sans oublier James Bond. Le studio est encombré de nombreux accessoires : caméras, projecteurs, micros, costumes et même une table de maquillage ; il abrite aussi des éléments de décor tels que des piliers et des bancs d’église. En fait, on tourne La Reine Margot, un film dont Marguerite de Valois est la productrice et réalisatrice. Les protagonistes arrivent en tenue de ville et enfilent leurs costumes d’époque pour interpréter les différentes scènes. Le procédé permet une certaine distanciation, voire une certaine ironie, d’autant que les personnages prennent souvent des poses affectées, mais on peine à comprendre le lien entre le cinéma et les affrontements religieux ; on ne peut également se départir du sentiment que les metteurs en scène traitent avec une certaine condescendance l’opéra de Meyerbeer, tant certaines scènes font sourire, voire sombrent dans le ridicule. De plus, l’ouvrage se limite à une multitude d’intrigues individuelles et amoureuses au détriment de la grande fresque historique, réduite à la portion congrue. Dommage.


Heureusement, la partie musicale et vocale du spectacle atteint des sommets et rachète les ratés de la mise en scène. Qui plus est, l’œuvre est jouée sans coupures, soit quatre heures de musique. Dans la fosse, l’Orchestre de la Suisse Romande est placé sous la baguette de Marc Minkowski, qui connaît bien Les Huguenots pour avoir déjà dirigé l’ouvrage à Bruxelles en 2011. La lecture est tout à la fois délicate et colorée, sans pathos, mais la rapidité des tempi met parfois les choristes et les chanteurs en difficulté. La révélation vocale de la soirée est sans conteste Rachel Willis-Sørensen, qui, pour sa première Valentine, offre une incarnation en tous points remarquable, avec sa belle voix ronde et pleine, parfaitement maîtrisée sur toute la tessiture. En Raoul de Nangis, John Osborn éblouit par sa technique vocale hors pair et ses aigus éclatants. Lea Desandre fait forte impression en Urbain avec son timbre juvénile et lumineux. La Marguerite de Valois d’Ana Durlovski laisse une impression mitigée : si la chanteuse brille dans les vocalises, son vibrato gênant et son manque de projection ternissent quelque peu sa prestation. Alexandre Duhamel est parfait en Comte de Nevers noble et autoritaire, alors que Michele Pertusi incarne un Marcel expressif et convaincant malgré l’usure des moyens vocaux. On terminera par la superbe prestation du chœur du Grand Théâtre.


Malheureusement, cette série de représentations des Huguenots risque d’être compromise en raison de la propagation du coronavirus. Au lendemain de la première en effet, le gouvernement suisse a décidé d’interdire tout rassemblement de plus de 1000 personnes, au moins jusqu’au 15 mars. Or la jauge du Grand Théâtre de Genève est de 1500 places. Paradoxalement, ce qui pourrait sauver Les Huguenots, c’est la faible quantité de billets vendus jusqu’ici.



Claudio Poloni

 

 

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