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La dure réalité

Lille
Opéra
01/23/2020 -  et 25, 28, 30 janvier, 2*, 4 février 2020
Georges Bizet: Les Pêcheurs de perles
Gabrielle Philiponet (Leïla), Marc Laho (Nadir), Stefano Antonucci (Zurga), Rafal Pawnuk (Nourabad, Zurga jeune), Félicité Guillo (Leïla jeune), Yohann Baran (Nadir jeune)
Chœur de l’Opéra de Lille, Yves Parmentier (chef de chœur), Orchestre de Picardie, Guillaume Tourniaire (direction)
FC Bergman: Stef Aerts, Marie Vinck, Thomas Verstraeten, Joé Agemans (mise en scène, décor, lumières), Judith Van Herck (costumes)


(© Simon Gosselin)


L’Opéra de Lille monte à son tour la production des Pêcheurs de perles (1863) créée en décembre 2018 à Anvers. Le collectif transpose l’histoire de nos jours, dans une maison de retraite, une interprétation audacieuse, voire osée, que le public accueille chaleureusement, à moins que les applaudissements ne s’adressent qu’aux musiciens. Deux danseurs doublent Leïla et Nadir pour les représenter plus jeunes, tandis que l’interprète de Nourabad, un petit rôle, incarne Zurga en son printemps. Le spectacle exploite assez adroitement le principe du souvenir et de la nostalgie. Un an plus tard, l’approche intéresse toujours autant, mais avec le recul, certains aspects de cette mise en scène fonctionnent moins bien.


Le plateau pivotant qui montre une vague géante, un réfectoire, une morgue et une chambre funéraire semble lourd et disgracieux. La représentation de la vieillesse tombe dans le sordide, tandis qu’à la fin, Leïla et Nadir escaladent péniblement la vague, accrochés à une protection trop visible. Les chanteurs évoluent sous une direction d’acteur précise, cette première incursion du collectif à l’opéra ne souffrant pas trop de maladresses préjudiciables à la qualité du chant: les interprètes peuvent s’exprimer sans grande contrainte apparente. FC Bergman détourne donc l’histoire originale, mais ce spectacle a le mérite de montrer la dure réalité de la vieillesse, de la déchéance et de la mort que beaucoup ne veulent pas voir en face. L’opposition entre les corps nus et parfaits des jeunes danseurs avec les pensionnaires de la séniorerie à leur déclin produit de l’effet, il faut le reconnaître.


Contrairement à Anvers et à Gand, les spectateurs de l’Opéra de Lille profitent d’une meilleure distribution pour la langue française. Pour renforcer la crédibilité des personnages, la production a choisi pour incarner Nadir et Zurga des chanteurs fort avancés dans leur parcours artistique: par conséquent, les voix affichent moins d’éclat et le chant dévoile quelque fragilité. Marc Laho et Stefano Antonucci, distribué en Zurga à Anvers et Gand, partagent à peu près les mêmes qualités de justesse de l’expression, de netteté du phrasé et de pertinence du style. Dans un premier temps, Gabrielle Philiponet insiste un peu trop dans le haut de registre, avant de soumettre sa voix à plus de rondeurs et de consistance dans le grave; elle trouvera aussi, par la suite, davantage de variété dans les inflexions. La soprane semble un peu contrainte par la direction d’acteur, mais la prestation vocale demeure estimable. Rafal Pawnuk met en avant un timbre magnétique et fait preuve de rigueur stylistique, tandis qu’il revient cette fois à Félicité Guillo et à Yohann Baran de doubler Leïla et Nadir avec grâce et sensualité.


Cet opéra heureusement exécuté sans interruption profite de la direction intense et contrastée de Guillaume Tourniaire, attentif à la clarté et au rendu des couleurs. Le chef obtient de l’Orchestre de Picardie un jeu le plus souvent précis, mais à la sonorité un peu trop ordinaire, avec de meilleurs solos de bois que de cordes. Cette prestation honorable n’atteint pas tout à fait le degré de transparence et de raffinement attendu. Enfin, les chœurs remplissent fort bien leur tâche, malgré une prononciation perfectible.



Sébastien Foucart

 

 

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