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Le Mahler superbe et désincarné d’Esa-Pekka Salonen Paris Philharmonie 12/12/2019 - et 13 décembre 2019 Gustav Mahler : Symphonie n° 3 Marianne Crebassa (mezzo)
Chœur de femmes et d’enfants de l’Orchestre de Paris, Lionel Sow (chef de chœur), Orchestre de Paris, Esa-Pekka Salonen (direction)
E.-P. Salonen
Tout a commencé avec cette Troisième Symphonie de Mahler, quand le jeune Finlandais, en 1984, remplace Michael Tilson Thomas. Treize ans plus tard, enregistrement chez Sony, assez oubliable aujourd’hui. Le concert de l’Orchestre de Paris montre le chemin parcouru: vision d’une unité parfaite, forme suprêmement maîtrisée, clarté analytique de la masse sonore, interprétation fouillée jusqu’au moindre détail – sans que tout se découse. Galvanisé, l’orchestre se surpasse – les solos de vents, pas seulement du cor de postillon à la fin du Comodo. Scherzando, mais aussi l’ensemble des cordes, d’une rondeur et d’un velours qui rendent magique le début du Langsam final. La pâte sonore est d’une entêtante beauté.
Et pourtant, quelque chose nous manque. Certes on peut ne pas adopter un lyrisme incandescent à la Bernstein, on peut ne pas s’inscrire dans un postromantisme fin-de-siècle, on peut aussi, quand vient la marche du premier mouvement, lorgner vers les «collages» de Charles Ives – passage magnifiquement réussi. Mais Mahler est trop lié à la Mitteleuropa pour relever uniquement de la musique pure – le Tempo di menuetto ne ressortit plus à un Ländler au charme viennois, l’ironie manque au Comodo. Scherzando. La dimension cosmique disparaît de la partition, que Salonen semble «déprogrammer», jusque dans le Langsam, pas très Empfunden et qui cesse d’être transfiguration. Question d’école? Peut-être. Mikko Franck, autre Finlandais, nous avait semblé adhérer davantage à l’univers mahlérien, la plus authentique Troisième entendue à Paris ces dernières années restant celle d’un Franz Welser-Möst particulièrement inspiré par l’œuvre. On ne reprochera pas à Marianne Crebassa d’être plus mezzo qu’alto: le timbre est assez sombre pour l’extrait du Zarathoustra nietzschéen. Mais, vocalement superbe, elle n’est ni émue ni émouvante – elle non plus.
Enfin, tout cela est si beau...
Le concert en intégralité sur le site de la Philharmonie de Paris:
Didier van Moere
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