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Le piano en 3 D...

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
11/24/2019 -  
Frédéric Chopin: 12 Etudes, opus 25
Maurice Ravel: Miroirs: «Une barque sur l’océan», «Alborada del gracioso» & «La Vallée des cloches»
Igor Stravinsky: Trois mouvements de Pétrouchka

Beatrice Rana (piano)


B. Rana (© Nicolas Bets)


Beatrice Rana tourne en ce moment avec un programme Chopin, Ravel, Stravinsky suscitant l’engouement des mélomanes qui ont assailli un Théâtre des Champs-Elysées bondé jusqu’aux galeries, ce dimanche matin.


Comme autant de miniatures poétiques, les Etudes opus 25 de Chopin, se métamorphosent sous les doigts de Beatrice Rana. Immédiatement, on goûte un son rond et ample, une attention à la phrase musicale, au chant, au grand legato. Mais ce qui caractérise essentiellement cette interprétation est sans doute l’imagination déployée dans ces pages cependant si connues. L’agencement également est subtil, quelques Etudes s’enchaînent, d’autres sont abordées après un grand temps de respiration en fonction du contenu expressif et des rapports harmoniques, ce qui évite toute monotonie. Durant tout ce cycle, Beatrice Rana ne lâche rien sur la musicalité, la qualité du son, l’infinie ressource de la dynamique qui semble être son point fort et l’attention aiguë apportée aux plans sonores. Parmi quelques splendeurs, l’Etude n° 2 (en fa mineur) déroule son trait, comme au pinceau, d’une fluidité légère miraculeuse; la n° 4 (en la mineur), aux attaques si différenciées, mue par une irrésistible pulsion rythmique sans faille; l’Etude n° 6 dont les tierces mousseuses, comme l’écume à la lisière de la vague, ne semblaient qu’accessoires en opposition à une main gauche caracolante, faite d’envolées lyriques; la n° 7, ce merveilleux chant violoncellistique de main gauche, si éloquent, mené par la pianiste dans une chaleur et une mélancolie poignantes; l’Etude n° 11 dont on se souviendra longtemps de l’intensité expressive du choral d’introduction.


Viennent ensuite quelque pages de Ravel récemment enregistrées et qui suscitent, à juste titre, l’enthousiasme du public et de la critique. Si l’on invoque volontiers les Français Vlado Perlemuter ou Samson François pour Ravel, il faudra désormais compter avec l’Italienne Beatrice Rana. Styliste inspirée, elle peint «Une barque sur l’océan» avec une infinie richesse de timbres, une souplesse continue et une pédalisation subtile qui ne noie pas l’œuvre. Un «Alborada» à la pointe sèche, comme une espèce de «Scarbo», nous stupéfie par sa nervosité, son parfum espagnol, son aspect presque caractériel mené par l’énergie vitale de la pianiste et nous bouleverse par ses déclamations poignantes au centre de la partition. «La Vallée des cloches», véritable étude de timbre, nous laisse en état d’apesanteur, presque incrédules devant une telle maîtrise de la dynamique, des strates sonores, de la douceur de toucher, dans une impression de rêve éveillé.


Beatrice Rana attaque les Trois Mouvements de Pétrouchka avec une joie communicative et le rythme chevillé au corps. Narratives, colorées, imagées, là encore sous tendues par une science impressionnante des plans et de voix intérieures, ces pages se déploient de manière transcendante, comme dans une espèce de transe sonore. A ce point de réussite, certains enregistrements de l’œuvre originale pour orchestre paraissent bien pâles...


Extrêmement discrète et sobre, avec des moyens impressionnants qui ne s’affichent pas, une sensibilité rare et une grande maturité, Beatrice Rana se place à coup sûr dans les premiers rangs des pianistes actuels. Dire que le piano de Beatrice Rana est orchestral est une évidence, mais c’est plus que cela. Ce sont les ressources même de l’instrument qui sont aiguisées, maniées avec un art confondant et un savoir-faire prodigieux; un piano pur, mené à des degrés de profondeur et un relief inouïs par une oreille supérieure. Beaucoup de pianistes jouent en couleur, Beatrice Rana joue en 3D.



Christian Lorandin

 

 

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