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Maria Callas ressuscitée

Geneva
Rolle (Rosey Concert Hall)
11/20/2019 -  
Airs de Charles Gounod, Giuseppe Verdi, Georges Bizet, Alfredo Catalani, Ambroise Thomas, Amilcare Ponchielli, Giacomo Puccini et Vincenzo Bellini
Maria Callas (soprano)
L’Orchestre de Chambre de Genève, Eímar Noone (direction)


(© Kiré Ivanov/Slika.ch)


Certains défunts célèbres ne quittent jamais véritablement le devant de la scène. Ce sont les « working dead », comme les appellent les Anglo-Saxons. Dans le domaine artistique, l’exploitation de personnalités décédées est un phénomène courant. Ainsi, dans l’édition, la publication d’ouvrages posthumes n’est pas une nouveauté. Les derniers exemples en date dans le monde des lettres francophones sont Marcel Proust et Françoise Sagan. Il en va de même dans le domaine musical, avec le cas de Johnny Hallyday, dont le dernier album, paru après son décès, a longtemps caracolé en tête des ventes. Les nouvelles technologies offrent désormais des possibilités inédites. La plus récente est l’hologramme, soit une image en trois dimensions, qui permet de « ressusciter » une personnalité trépassée.


Une société américaine a eu l’idée d’exploiter le filon en créant un hologramme de Maria Callas. Une tournée vient de faire étape à Rolle en Suisse, dans la magnifique salle en bois de l’Institut Le Rosey (Rosey Concert Hall), exactement à mi-chemin entre Genève et Lausanne. La technique de cet hologramme est un secret bien gardé. Tout ce qu’on sait, c’est qu’une comédienne a reproduit en studio les gestes de Maria Callas, sur lesquels ont été juxtaposées des images d’archives de la diva, colorisées et remasterisées. La voix de la cantatrice a été séparée de l’orchestre sur les enregistrements de l’époque, si bien qu’à chaque étape de la tournée, la chanteuse est accompagnée par une formation qui joue « en direct », à Rolle L’Orchestre de Chambre de Genève. La chef Eímar Noone dirige, quant à elle, tous les concerts de la tournée. Le programme reprend en partie celui du gala de bienfaisance donné par Maria Callas au Palais Garnier en décembre 1958, gala qui avait été retransmis en Eurovision, avec des airs de Gounod, Verdi, Bizet, Catalani, Thomas, Ponchielli, Puccini et Bellini.


Le résultat est bluffant. 42 ans après son décès, Maria Callas fait son retour sur scène pourrait-on dire. Sur une surface en plexiglas, la soprano apparaît avec un naturel confondant. Un habile jeu de lumières dans la salle permet de gommer la présence de l’écran. La gestuelle de la chanteuse est parfaite, avec sa façon bien à elle de poser ses mains délicatement sur ses épaules ou d’enrouler son châle sur les bras. On imagine que les extraits ont été choisis pour leur côté visuellement spectaculaire. Ainsi, la chanteuse lit une lettre ou se frotte les mains dans Macbeth, elle lance des cartes dans Carmen. Avec son regard et ses mains, elle interagit aussi avec le public et avec la chef. Le seul véritable hic de la soirée, ce sont justement les interactions avec le public, qui ont créé des décalages gênants. Alors que les concerts de la « vraie » Maria Callas donnaient lieu à des ovations interminables du public entre chaque air, à Rolle la chanteuse n’a eu droit qu’à quelques applaudissement polis, si bien que pendant de longues secondes elle poursuivait ses saluts alors que le public était muet. Un détail important que les organisateurs de la tournée devraient pouvoir régler facilement.


La tournée de Maria Callas en hologramme pose une question fondamentale : la chanteuse en aurait-elle accepté l’idée ? La question restera bien évidemment sans réponse. Mais certains prennent déjà les devants : ainsi, le pianiste Philippe Entremont (85 ans) vient d’enregistrer une vidéo qui sera utilisée pour réaliser son hologramme. Durant trois jours, il a joué son répertoire en continu face à une demi-douzaine de personnes occupées à son immortalisation (preneurs de son et cameramen). L’artiste est ainsi le premier à avoir accepté de son vivant de devenir un hologramme. Et il a déjà confié à un producteur le soin de l’exploiter une fois qu’il sera décédé.



Claudio Poloni

 

 

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