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Esquisse raffinée

Lille
Opéra
05/10/2019 -  et 8, 9, 11*, 12 octobre 2019
Henry Purcell: The Indian Queen, Z 630
Zoe Brookshaw, Anna Dennis, Rowan Pierce, Carine Tinney (sopranos), Ruairi Bowen, Hugo Hymas, Nick Pritchard (ténors), Gareth Brynmorn John (baryton), Tristan Hambleton (baryton-basse), Christopher Ettridge (L’Inca), Elisabeth Hopper (Orazia), Julie Legrand (Zempoalla), James McGregor (Montezuma), Ben Porter (Traxalla), Matthew Romain (Acacis)
Le Concert d’Astrée, Emmanuelle Haïm (direction)
Guy Cassiers (mise en scène), Tim Van Steenbergen (décors, costumes), Mieke Van Buggenhout (costumes), Fabiana Piccioli (lumières), Frederik Jassogne (vidéo)


(© Frédéric Iovino)


La saison à l’Opéra de Lille débute avec un opéra qui n’en est pas vraiment un. Créé en 1695, l’année de la mort du compositeur, au Théâtre Royal Drury Lane de Londres, The Indian Queen fut laissé inachevé par Purcell. Pour cette production, en collaboration avec le Théâtre de Caen, l’Opéra des Flandres et les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Guy Cassiers et Emmanuelle Haïm ont conçu une nouvelle version, en gardant le texte parlé de John Dryden et Robert Woward mais en écartant les parties complétées par le frère de Purcell, Daniel, au profit d’autres pages de Henry (Dioclesian), ainsi que de John Blow (Venus and Adonis) et Matthew Locke (The Tempest). Ce remaniement confère une certaine harmonie, nettement perceptible, à cette œuvre qui, ainsi constituée, demeure toutefois éloignée des conventions qui régiront le genre dès le siècle suivant, plus particulièrement la primauté du chant sur la parole.


Guy Cassiers a conçu pour cette intrigue d’une complexité cornélienne – pouvoir, amour, trahison – une mise en scène assez sophistiquée, de conception moderne et qui accorde autant d’importance au chant qu’au théâtre, avec une double distribution, l’une de chanteurs, l’autre de comédiens. Et le dédoublement ne s’arrête pas là. La scénographie consiste principalement en cinq écrans de tailles différentes, qui se déplacent tant verticalement qu’horizontalement, et sur lesquels sont reproduits, par moments, des photographies de guerre de Narciso Contreras. Dans la vidéo, les comédiens reproduisent en différé, dans une synchronisation plus ou moins parfaite et d’une manière différente, ce qu’ils jouent sur scène. Sur les images, les personnages s’expriment de façon un peu plus extériorisée et portent des tenues fantaisistes, tandis qu’ils paraissent, sur le plateau, plus sobres et contemporains. L’intensité du jeu théâtral repose ainsi essentiellement sur le texte, impeccablement déclamé par des acteurs anglophones.


Dans un premier temps, cette idée nous intéresse, mais elle suscite ensuite une certaine lassitude, et le temps finit par sembler long, ce qui s’explique également par la succession de pages musicales, de chants et de longs et soporifiques passages parlés, sauf lors de quelques moments de relative agitation. La mise en scène ne comporte étrangement pas de danse, un des éléments d’un semi-opéra, ce qui aurait apporté un peu de diversité durant ces deux heures et demie. A cause de ce déficit de rythme que seule la musique apporte réellement, les passions qui sillonnent ce livret ne transparaissent guère, malgré les effets de complémentarité entre la scène et les écrans. Le spectacle repose ainsi sur un socle fragile: retirez ces écrans et ces images, et il ne reste plus grand-chose de ce concept, hormis les belles lumières éclairant ce plateau dépouillé. Nous ressentons aussi un étrange sentiment d’inachèvement, à l’image de l’œuvre, mais peut-être voulu, comme si cette mise en scène relevait de l’esquisse paradoxalement raffinée, impression renforcée par la nudité du plateau qui laisse la cage de scène apparente. Il s’agit néanmoins d’une véritable proposition artistique, pensée dans les détails, à tous points de vue accomplie.


Les comédiens obéissent à une direction d’acteur qui ne laisse rien au hasard. Parmi eux, Julie Legrand, en Zempoalla, accomplit la prestation la plus mémorable, par sa présence et sa diction, tandis que la plastique de James McGregor n’a sans doute pas laissé une bonne partie du public indifférent. Dans une distribution d’une rare homogénéité, les chanteurs, tous jeunes, partagent d’identiques qualités de beauté du timbre, de raffinement du chant et d’adéquation stylistique. La voix pure d’Anna Denis procure un grand moment de beauté, mais il convient de distinguer aussi celle, richement timbrée, de Tristan Humbleton. Dans la fosse, Emmanuelle Haïm reste fidèle à sa direction entraînante et capable tour à tour de vitalité et de nuance, tandis que Le Concert d’Astrée séduit, une fois de plus, par sa cohésion et sa sonorité, les musiciens adoptant quand cela le nécessite un ton un peu plus éclatant. La prestation des choristes ne laisse rien à désirer non plus.


Le site de l’Opéra de Lille


L’intégralité du spectacle sur le site de France 3 Hauts-de-France:






Sébastien Foucart

 

 

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