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Courts-métrages

Strasbourg
Opéra national du Rhin
09/03/2019 -  et 4* septembre 2019
Wolfgang Amadeus Mozart : Sérénade n° 10 en si bémol majeur «Gran Partita», K. 370a [361]
Ballet de l’Opéra national du Rhin
Membres de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg
Marco Hollinger (création lumière)




Belle idée de Bruno Bouché, que de scinder la Sérénade K. 361 de Mozart, dite « Gran Partita », en sept brefs champs d’expérimentation chorégraphique, confiés chacun à un maître d’œuvre différent, en l’occurrence à chaque fois un autre jeune danseur de la troupe du Ballet du Rhin, appelé à sortir du rang. Une activité inhabituelle, passage à la création certainement facilité par ces dimensions réduites de « court-métrage », qui permettent de bien exposer quelques bonnes idées directrices, sans avoir à diluer le propos sur des durées plus longues. Et puis la musique de Mozart, dans cette partition confiée à l’effectif peu habituel de douze instruments à vent et une contrebasse, est d’une telle richesse, tantôt brillante et primesautière, tantôt méditative, et toujours d’une intarissable inspiration mélodique, quelle semble appeler très naturellement l’énergie rythmique de la danse.


Spectacle de « pré-rentrée » à l’Opéra du Rhin, puisqu’il n’est donné que deux soirs, et exclusivement à Strasbourg, mais dont la réussite dépasse le caractère d’essai de laboratoire envisagé au départ. Les danseurs de la compagnie révèlent là de vrais talents, ce d’autant plus que l’ascèse du projet (danser devant les musiciens groupés sur l’arrière-scène, sans décor, avec juste quelques effets d’éclairage) impose d’aller d’emblée à l’essentiel. Entre cinq et dix minutes pour convaincre : un « challenge », auquel chacun choisit de s’adapter avec une créativité très différente. On commence par un pas de deux masculin de Pierre-Emile Lemieux Venne, à l’intitulé surréaliste « Deux bombes sexuelles provoquent un accident de grille-pain. Leur pistolet à eau les sauve » : beaucoup de déhanchements rythmés façon dance floor, dans un esprit lascif voire parfois d’une charge homoérotique des plus franches, figures pleines d’imagination acrobatique, sur deux chaises de style utilisées de façon originale. L’autre pas de deux, celui proposé par Rubén Julliard, sur le Finale, beaucoup plus court, est aussi d’un esprit plus léger, sorte d’équivalent gestuel d’un bavardage où des idées contradictoires s’échangent. Chorégraphiquement, le résultat fait parfois penser au brillant Opus 100 de John Neumeier, ce qui n’est pas un mince compliment. On apprécie aussi la finesse psychologique du bref second Menuet proposé par Eureka Fukuoka, états d’âme successifs où la danseuse semble jouer à cache-cache avec ses propres affects, avec pour point culminant un second trio joliment en phase avec l’inspiration mozartienne. Les dix minutes du Tema con variazoni autorisent à Mikhaël Kinley-Safronoff une profusion de propositions d’une modernité un peu décousue, dont certaines très belles, avec pour originalité des accès de trémulations rapides qui se résolvent brutalement en crispations fixées, comme des fins de crise. Emouvant solo de Marwik Schmitt, sur le premier Menuet, danseur quasiment nu, fragile comme un adolescent du Caravage et pourtant encombré déjà d’une épée et d’un morceau d’armure, dualité difficile d’un jeune guerrier à la fois tueur et à peine sorti de l’âge de l’innocence. Les deux mouvements lents ont droit à un traitement plus sage, voire un peu compassé pour le magnifique Adagio, où les mouvement très (trop ?) fluides imaginés par Jesse Lyon se sont peut-être laissé piéger par l’élégance de Mozart. Sur la Romance, le solo conçu par Pierre Doncq et finement incarné par Dongting Xing se construit de façon plus captivante, avec une montée progressive sur les pointes qui tente de transcender un climat de sourde mélancolie.


A l’arrière-plan, toujours visibles mais dans une perspective renouvelée d’un mouvement à l’autre par un jeu simple de rideaux et d’éclairages, les premiers pupitres de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg détaillent cette musique merveilleuse avec beaucoup de tact et de souplesse, sous l’impulsion déterminante du hautbois de Sébastien Giot, mais avec d’autres moments stratégiques relayés par la clarinette de Sébastien Koebel ou le basson de Rafael Angster. Exécution fluide, d’un grand charme mozartien, qui évite sagement toute tentation de s’essayer à des brutalités de phrasé hors de propos : un soutien musical parfait pour cette petite heure sans pesanteur, soirée brève mais riche d’un vrai potentiel d’invention.



Laurent Barthel

 

 

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