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La faute à Lulu?

Paris
Opéra Comique
05/07/2019 -  et 10*, 13, 16, 19, 21 mai 2019
Jules Massenet: Manon
Patricia Petibon (Manon), Frédéric Antoun (Le chevalier Des Grieux), Jean-Sébastien Bou (Lescaut), Olivia Doray (Poussette), Adèle Charvet (Javotte), Marion Lebègue (Rosette), Laurent Alvaro (Le comte Des Grieux), Damien Bigourdan (Guillot de Morfontaine), Philippe Estèphe (Brétigny), Pierre Guillou, Loïck Cassin/David Ortega*, Simon Solas* (Gardes), Antoine Foulon (L’hôtelier)
Chœur de l’Opéra national de Bordeaux, Salvatore Caputo (chef de chœur), Les Musiciens du Louvre, Marc Minkowski (direction musicale)
Olivier Py (mise en scène), Pierre-André Weitz (décors et costumes), Daniel Izzo (assistant à la mise en scène et chorégraphie), Bertrand Killy (lumières)


(© Stefan Brion)


Des hôtels de passe d’un quartier chaud, aux enseignes de néon. Des femmes dévêtues passent en chevauchant des hommes. Est-ce le début de Lulu? Non, celui de Manon. Mais Olivier Py confond un peu les deux œuvres. On ne lui reprochera certes pas d’enfermer les personnages de Massenet dans l’enfer du sexe et du fric. Au point de transformer d’emblée l’hôtellerie d’Amiens en bordel où Lescaut joue les proxénètes, organisant l’initiation de sa sœur? A-t-il raison de coiffer Manon, au deuxième acte, d’un masque de mort dans une sorte de danse macabre? Lulu tue, pas Manon. Elle est la seule à mourir chez Massenet, associée ici à un ciel étoilé comme lors de son apparition au premier acte: belle idée pour le coup, alors que triomphe à l’orchestre le thème de la séduction amoureuse chanté par Manon à Saint-Sulpice. Mais c’est la séduction sensuelle, justement, qui manque dans cette lecture univoque, comme si elle commettait une erreur de perspective. La faute à Lulu?


Et puis cette production, inaugurée à Genève ici, pratique trop le recyclage. Même si chaque metteur en scène a sa carte de visite, on finit par avoir trop vu, chez lui, ces scènes de partouze, ces corps nus à têtes d’animaux, ces travestissements carnavalesques – à l’Hôtel de Transylvanie, Manon porte un habit d’homme et Des Grieux un habit de femme. Le côté cabaret ou music-hall nous rappelle aussi des souvenirs – au Cours-la-Reine, elle apparaît en meneuse de revue. La chorégraphie de Daniel Izzo ne se renouvelle pas davantage, pas plus que le décor de Pierre-André Weitz. Quand on a suivi les productions lyriques d’Olivier Py, on croit tout reconnaître. Bref, il se répète.


Le spectacle vient d’être représenté à Bordeaux, avec une autre distribution. Celle de Favart déçoit. Qui a succombé, le jour de la première, à la Manon de Patricia Petibon aurait dans doute eu du mal à la reconnaître à la deuxième représentation: médium et grave sans chair, aigus faux et arrachés, ligne en berne, manque total de soutien. Avait-elle tout donné trois jours avant? Certes, reste la tragédienne, adhérant tout entière à une production à laquelle elle s’identifiait dès Genève, où elle avait d’ailleurs été une superbe Lulu pour le même Olivier Py, qu’elle accompagne depuis longtemps. Mais cela ne peut racheter l’effondrement vocal. Le «sphinx étonnant» fascine le Des Grieux d’un Frédéric Antoun beaucoup plus solide... pas totalement convaincant néanmoins: la voix est toujours sous tension, jusque dans un Rêve pas assez murmuré, les aigus deviennent problématiques à partir de Saint-Sulpice. De son père Laurent Alvaro a la noblesse, par le port et le phrasé, seulement trop instable quand il faut atteindre l’aigu. Si bien que seul le Lescaut cynique et voyou de Jean-Sébastien Bou n’encourt aucun reproche: articulation parfaite, chant d’école pour la gouaille comme pour le pastiche. Les autres rôles sont également bien distribués.


A Bordeaux, Marc Minkowski dirigeait l’orchestre du lieu. A Favart, il retrouve ses Musiciens du Louvre, aux sonorités assez ingrates, ne jouant pas toujours très juste. Il est vrai que son énergie ne les ménage pas, pas plus qu’il ne ménage la partition de Massenet, sacrifiant ses raffinements à une théâtralité un peu factice, n’évitant pas les décalages avec un chœur bordelais moyen. Pour faire mentir Debussy brocardant la «musique secouée de frissons, d’élans, d’étreintes qui voudraient s’éterniser» du musicien des pécheresses?


Il est si rare que, dans le répertoire français, l’Opéra Comique n’ait pas la main heureuse...



Didier van Moere

 

 

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