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Dans ses murs

Boston
Boston Symphony Hall
05/02/2019 -  et 3, 4* mai 2019
Richard Strauss: Till Eulenspiegel lustige Streiche, opus 28
Sebastian Currier: Aether (création)
Igor Stravinski: Pétrouchka (version 1947)

Baiba Skride (violon)
Boston Symphony Orchestra, Andris Nelsons (direction)


A. Nelsons (© Marco Borggreve)


Archétype des salles de concert mythiques, le Boston Symphony Hall trône fièrement, immense palais en brique rouge datant de 1900 posé dans le quartier de South End, à quelques pas du Museum of Fine Arts. Certes, le plancher de la salle est un peu de guingois, le velours rouge semble un rien élimé ici ou là mais la scène conserve toute sa majesté, sertie d’un lourd encadrement doré au sommet duquel figure un seul nom de compositeur: Beethoven! Quant à l’acoustique, elle est exceptionnelle. On connaît depuis longtemps ce modèle de «boîte à chaussures» qui permet ici de bénéficier d’une clarté sonore idéale même si, on va y revenir, l’étalement de l’orchestre sur un seul niveau a parfois eu tendance à créer quelques déséquilibres entre pupitres.


Pour ce concert donné à trois reprises au cours de cette cent-vingt-huitième saison, l’Orchestre symphonique de Boston dirigé par Andris Nelsons (son directeur musical qui entame là sa cinquième saison, son contrat ayant d’ores et déjà été prolongé jusqu’à la saison 2021-2022) avait choisi un programme éclectique où le mot d’ordre aura semblé être celui de la couleur. Couleur: oui mais, en fin de compte, davantage dans sa dimension spectaculaire et presque Technicolor que dans les subtilités et la finesse des teintes. Car, à la fin de Till l’espiègle de Richard Strauss, on aura certes apprécié l’excellence de l’orchestre (notamment les interventions de Tamara Smirnova, concertmaster du soir) mais le côté grinçant, sarcastique et, finalement, la dimension tragique de la partition auront été en grande partie absents. Ce qui est dommage, c’est que Nelsons conduit l’orchestre avec fougue mais sans clairement respecter les différentes phases de la partition, celle-ci souffrant d’un déséquilibre assez patent entre cordes et vents, les cuivres donnant souvent un peu trop de voix à notre goût. A chacun de se faire sa propre opinion, l’œuvre ayant été enregistrée par les micros de Deutsche Grammophon lors du concert en vue d’une prochaine parution discographique.


Quelle que soit l’époque, l’Orchestre symphonique de Boston a toujours entretenu de profondes affinités avec la musique de son temps, ne cessant de passer des commandes et de jouer des œuvres en première mondiale: ce fut à nouveau le cas ce soir avec la création d’Aether, composée par Sebastian Currier. Compositeur américain prolifique né en 1959, Currier a d’ores et déjà composé plusieurs œuvres pour violon et orchestre, dont Time Machines et Aftersong, créées par Anne-Sophie Mutter. Aether, commande à la fois des orchestres de Boston et du Gewandhaus de Leipzig (dont le directeur musical est le même en la personne de Nelsons), comporte quatre mouvements qui s’enchaînent sans pause. D’une durée de vingt-cinq minutes environ, ce concerto est finalement assez classique tant dans son agencement que dans ses sonorités. L’orchestre expose à plusieurs reprises le thème qui est ensuite repris par la soliste: dès le début, l’entrée des cordes laisse ainsi place à un cor anglais des plus lyriques dont la phrase est ensuite jouée par le violon étincelant de Baiba Skride, laquelle reprendra plus tard une nouvelle mélodie jouée cette fois-ci par la trompette, la flûte et le cor. Les sonorités de l’œuvre sont agréables à entendre, le traitement de la partie orchestrale nous ayant semblé plus soigné que celui de la partie soliste, qui se voit confier une partition parfois un peu lisse, l’archet de la violoniste lettone nous charmant néanmoins de bout en bout et offrant de temps à autre de très beaux dialogues avec l’orchestre. On retiendra tout particulièrement une belle entrée des violoncelles qui permit ensuite à la soliste de dialoguer avec la clarinette sur un sous-bassement de contrebasses, l’effet ayant été particulièrement réussi: quant à savoir quelle sera la postérité de l’œuvre, c’est encore bien tôt pour le dire mais voilà en tout cas une œuvre contemporaine qui peut facilement s’exporter, Andris Nelsons et Baiba Skride devant d’ailleurs la jouer à Leipzig, avec l’Orchestre du Gewandhaus, les 16 et 17 mai prochain. La fin de l’œuvre fut saluée par des applaudissements nourris à l’endroit tant de la soliste que de l’orchestre, le compositeur étant également venu saluer sur scène: on est en famille!


La seconde partie du concert était dévolue à Stravinski. Andris Nelsons s’inscrit là dans une relation ancienne tissée entre Pétrouchka et le Symphonique de Boston, ce dernier l’ayant constamment mis à son répertoire et l’ayant plusieurs fois enregistré, notamment dans cette version de 1947, en particulier en 1969 sous la direction de Seiji Ozawa avec un certain Michael Tilson Thomas au piano (RCA)! Un peu à l’image de Till en première partie, Nelsons aborde l’œuvre de façon assez paradoxale puisque monochrome tout en étant extrêmement colorée. En effet, tout en exaltant la richesse de la partition, en se délectant des timbres variés, en jouant sur les contrastes, le chef letton n’opère pas véritablement de distinction entre les quatre tableaux, l’unité de l’œuvre primant sur les étapes de l’histoire qui nous est narrée. «La Baraque du charlatan» au milieu du premier tableau n’invité guère à la fantasmagorie (en dépit de l’excellence d’Elizabeth Rowe à la flûte solo), la figure du Maure ne s’avère pas très inquiétante, le destin tragique de Pétrouchka étant pour sa part édulcoré tandis que certains passages folkloriques (la «Danse russe» à la fin du premier tableau ou la «Danse des nounous» au début du quatrième par exemple) ne bénéficient pas du surplus d’énergie souhaité. Si Andris Nelsons a tendance à diriger l’ensemble de l’œuvre avec une vision assez unitaire, les solistes de l’orchestre se surpassent à l’image de Thomas Rolfs à la trompette, exceptionnel. C’est pourtant un autre soliste qui restera dans les mémoires: Craig Nordstrom à la clarinette basse qui concluait avec ce concert une carrière entamée au sein de l’orchestre en février 1979! Invité par Andris Nelsons, comme lors des deux précédents concerts, à venir saluer seul, il fut ovationné avec chaleur et émotion tant par les musiciens de l’orchestre que par le public: de nouveau, et même plus que jamais, on était en famille.

Le site de Sebastian Currier
Le site d’Andris Nelsons
Le site de Baida Skride
Le site de l’Orchestre symphonique de Boston



Sébastien Gauthier

 

 

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