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Le Chant de la Mère

Lille
Opéra
04/30/2019 -  et 2, 5*, 7, 9, 11, 14, 16, 18 mai 2019
Wolfgang Amadeus Mozart: Die Zauberflöte, K. 620
Tijl Faveyts (Sarastro, Orateur), Tuomas Katajala (Tamino), Aleksandra Olczyk (La Reine de la Nuit), Ilse Eerens (Pamina), Sheva Tehoval (Première Dame), Ambroisine Bré (Deuxième Dame), Caroline Meng (Troisième Dame), Klemens Sander (Papageno), Tatiana Probst (Papagena), Mark Omvlee (Monostatos), Yoann Dubruque (Premier prêtre, Second homme d’armes), Pierre Derhet (Second prêtre, Premier homme d’armes), Sofia Royo Csóka, Tobias Van Haeperen, Elfie Salauddin Crémer, Axel Basyurt, Alejandro Enriquez, Aya Tanaka (Trois garçons)
Chœur de l’Opéra de Lille, Yves Parmentier (chef du chœur), Orchestre national de Lille, Eivind Gullberg Jensen (direction)
Roméo Castellucci (mise en scène, décors, costumes, lumières), Cindy van Acker (chorégraphie)


(© Frédéric Iovino)


Après la Monnaie, voici au tour de l’Opéra de Lille de représenter La Flûte enchantée (1791) selon Romeo Castellucci. Selon, en effet, car le metteur en scène questionne radicalement ce pilier du répertoire pour proposer sa propre vision, jusqu’à supprimer les dialogues du premier acte, en totale contradiction avec le principe du singspiel, et remplacer ceux du second par un texte de sa sœur, Claudia, en anglais. Les deux parties s’opposent nettement, avec une première moitié monochrome et rococo, où tout fonctionne symétriquement, sauf à la fin, où le désordre règne, et l’autre, d’une heure quarante, qui se passe dans un décor beige et sinistre, avec le sentiment d’assister à deux spectacles qui ne présentent quasiment aucun point commun – seule, dans le second acte, une caisse en carton contenant des accessoires du premier acte établit, dans un admirable effet théâtral, le lien entre les deux éléments du diptyque. La seconde partie met toutefois la patience de quelques spectateurs à rude épreuve, à en juger par le bruit des sièges qui se replient suite à leur départ.


La participation de femmes aveugles et de grands brûlés, qui relatent leur épreuve en anglais, constitue une des idées maîtresses de ce concept à nul autre pareil. La démarche de Castellucci parait incroyablement prétentieuse, mais il faut lui reconnaitre sa profondeur et son intelligence. Revoir cette mise en scène tantôt sublime tantôt exaspérante confirme notre jugement premier: si le temps nous paraît long, surtout dans un second acte interminable, l’essence même du livret demeure à peu près intacte – l’épreuve, la lumière, la renaissance, suggérée par une formidable construction chorégraphique. Le metteur en scène ne retient aucun aspect de l’ouvrage en lien avec la franc-maçonnerie et l’Egypte ancienne.



(© Frédéric Iovino)


Dans un contexte aussi grave, la dimension humoristique de cet opéra semble incongrue, et la musique n’épouse pas toujours parfaitement le concept castelluccien. La nature allégorique et symbolique de la scénographie ne se révèle pas toujours simple à décrypter non plus, mais le programme, gratuit à Lille, contrairement à Bruxelles, fournir des clefs de compréhension. La force artistique de ce spectacle ne saurait être remise en question et une chose est certaine: alors que certains directeurs de maison d’opéra revendiquent le respect du compositeur, du livret et du public, cette production ne prend pas les spectateurs pour des imbéciles. En toute transparence, l’Opéra de Lille met sagement en garde les parents: le site de la maison indique, en effet, que «la vision très personnelle [...] de Romeo Castellucci n’est pas recommandée pour un très jeune public», ce qu’il est tout à fait exact et honnête de préciser.


L’interprétation se hisse à un niveau acceptable, sans constituer l’intérêt principal de ce spectacle qui vaut surtout pour la mise en scène. Roméo Castellucci reconnaît d’ailleurs, dans le programme, que cette production ne facilite pas le métier des chanteurs, soumis à une direction d’acteur exigeante, en particulier dans la première partie, un véritable tour de force dû aux effets de symétrie recherchés. L’esprit de troupe prévaut, dès lors, sur les individualités. Dans le premier acte, les personnages, trop indifférenciés, à l’exception de la Reine de la Nuit, n’existent guère, tellement l’esthétique prime sur le reste. Dans le second, les chanteurs se fondent parmi les aveugles et les grands brûlés qui polarisent trop l’attention au détriment des véritables protagonistes de l’opéra de Mozart.


La figure de Sarastro, incarné par Tijl Faveyts, à la voix droite et sonore, se révèle trop incertaine, au contraire de la Reine de la Nuit, aux contours mieux marqués – Castellucci nomme d’ailleurs son spectacle La Flûte enchantée ou Le Chant de la Mère, pour mieux souligner l’importance de ce personnage. Dans ce rôle attendu, Aleksandra Olczyk assume sa partie par sa voix tranchante et puissante, avec des vocalises nettes et un aigu rageur. Grâce à son talent d’acteur, Klemens Sander exploite bien les facettes comiques et sérieuses de Papageno, tandis que la Papagena de Tatiana Probst dégage du charme et de la fraîcheur. Tuomas Katajala possède la tessiture et la grâce de Tamino, tandis qu’Ilse Eerens, voix fine mais solide, incarne Pamina avec éclat – triplé de dames bien assorties, mais Monostatos inexistant. La mise en scène semble dicter les tempi, trop souvent pesants, sauf à la fin des actes, mais l’orchestre, mené par Eivind Gullberg Jensen, sonne avec suffisamment de légèreté et de précision. Les choristes, quant à eux, restent dissimulés dans la fosse.



Sébastien Foucart

 

 

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